Situation confuse et anarchique au marché de la commune de Mohammadia. Situation reflétée du moins ou en partie par des étals vides et des locaux fermés, des fils électriques se croisent en plein air, des preuves suspendues du piratage d'électricité, des vendeurs à la sauvette occupent des espaces à l'intérieur du marché pour pratiquer le commerce illicite. Des locataires d'étals et de locaux ont déserté les lieux pour exercer au noir sur la voie publique, car étouffés par le commerce illicite. Ils activent à leurs dires sans registre du commerce. En parallèle, un conflit oppose les responsables de l'APC de Mohammadia aux locataires de ces espaces. Ces derniers détiennent des contrats de 23 mois, lesquels expirent durant le mois en cours. Ils revendiquent le renouvellement des contrats de manière à ce qu'ils soient indéterminés. Aussi, demandent-ils de doter le marché des commodités nécessaires à l'exemple de l'électricité pour travailler. De leur côté, les responsables locaux exigent de ces commerçants d'honorer leurs loyers. La question de la révision des contrats « est à discuter ». Chaque partie tient à ses exigences et des locataires refusent de céder leurs espaces quelles que soient les conséquences. « Ils nous ont vendu des murs » Le conflit date de l'inauguration du marché par les élus locaux actuels, le 3 mai 2003, selon des commerçants concernés rencontrés sur les lieux. « Nous avons obtenu ces locaux et étals par adjudication, opération organisée par le président de l'APC de l'époque. Le marché comprend 46 étals et 15 locaux. De par cette procédure de location, des étals ont été cédés entre 3000 et 5000 DA/mois. Le tarif du loyer varie entre 10 000 et 60 000 DA pour un local. Tout dépend de sa superficie. Nous avons reçu les décisions d'affectation de ces espaces en septembre 2002, c'est-à-dire, avant l'inauguration de cette surface. Après son ouverture, nous n'avons trouvé, une fois sur les lieux, aucune commodité, à l'exemple de l'électricité et des réseaux d'assainissement. Le chef de marché ne dispose pas de bureau. Ils n'ont pas recruté de gardes. Nombreux vols y sont alors commis. Les rares locaux mis en exploitation sont alimentés en électricité par voie de piratage. Ces espaces ne sont pas pourvus de carrelage. Il n'y a même pas d'enseigne indiquant que nous sommes dans un marché. Ils nous ont loué des murs et non des locaux. Nous sommes arnaqués par les actuels responsables locaux et leurs prédécesseurs », affirment des commerçants rencontrés sur les lieux. Ils relèvent aussi le problème des marchands à la sauvette, lesquels s'installent à proximité du marché. Deux mois après la mise en exploitation de cette surface, « nous avons arrêté de travailler, vu la prolifération du commerce illicite et l'inexistence des conditions indispensables pour activer. Nous avons repris le travail l'automne dernier, mais la situation a empiré : des commerçants travaillent en effet au noir dans ce marché, des personnes occupent des espaces alors qu'elles ont d'autres sources de revenu ailleurs. Des bagarres ont éclaté ici entre des locataires et des vendeurs y activant au noir. Les responsables locaux n'ont rien fait pour régler ces problèmes. Ils nous demandent d'honorer nos loyers et de quitter les lieux à l'effet de les céder à un prétendant pour les gérer. A cause de tous ces problèmes, nous travaillons sans registre du commerce. De notre côté, nous ne quitterons pas cette surface. » Ils se demandent pourquoi dans les autres marchés d'Alger, un étal est loué entre 500 et 800 DA par mois et un local à raison de 5000 DA. D'autant que, à leur avis, le prédécesseur de l'actuel président de l'APC a déclaré à la presse, à son époque que ce marché est destiné aux jeunes sans emploi. « Cela dit, poursuivent-ils, nous exigeons le renouvellement de nos contrats et à durée indéterminée. Les responsables locaux doivent aussi lever tous les obstacles entravant l'exercice de notre activité, à commencer par régler le problème de l'électricité. » Un locataire se dit vivre dans la confusion. « J'ai voulu gagner ma vie dans l'alimentation générale. Je dois effectuer des travaux d'aménagement et procéder à l'installation électrique. J'ai peur de voir ces responsables m'expulser de cet espace après avoir terminé ces travaux. Au demeurant, je ne fait rien », explique-t-il. « Nous avons, mon frère et moi, acquis deux locaux pour en faire une boucherie et un point de vente de volaille. Nous avons effectué, à nos frais les finitions et aménagements nécessaires, soit vingt millions de centimes. Nous les avons fermés à cause des vendeurs à la sauvette », ajoute son voisin. Remise en cause de la vente aux enchères Rencontrés à leur tour, le vice-président chargé de l'administration et des finances et le chef de service économique de l'APC de Mohammadia relèvent que ce problème constitue un héritage du passé. Le marché comprend, selon leurs dires, cinquante étals, « si nous comptabilisons les quatre étals pour poisson », et les seize locaux, « puisque le bureau du chef de marché est aménagé en espace commercial ». Ces locaux ont été loués par voie d'adjudication. Une opération, confirment-ils à leur tour, « organisée par le président de l'APC de l'époque ». A cette occasion, rappellent ces derniers, les locaux et étals ont été loués à des prix « exorbitants ». A titre d'exemple, un bureau tabac est loué à 5 millions de centimes par mois. Les tarifs sont respectivement de 3,5 et 4,8 millions de centimes pour les locaux de volaille. Et de 6,7 et 7,25 millions de centimes concernant les locaux d'épices, de lait et dérivés. Quant aux tarifs de location des étals, ils varient entre 2000 et 10 000 DA/mois, selon les mêmes voix. « On se demande pourquoi ces commerçants ont fait monter à ce point les loyers, sachant que l'exploitation de ces surfaces ne leur permettra pas de les honorer. En plus, ils ont d'autres charges à couvrir, à l'exemple des impôts. » Ils rappellent qu'ils se sont toujours opposés à l'ouverture de ce marché, car des travaux restent à effectuer. Néanmoins, « sous la pression des locataires, les services de l'APC concernés ont tenu une réunion le 26 avril 2003 pour préparer son ouverture. Nous l'avons inauguré le 3 mai de la même année après avoir installé le réseau d'eau potable, les canalisations des eaux usées, une benne à ordures, effectué des travaux de peinture extérieure. Nous avons recruté un chef de marché et réglé le problème d'éclairage. Reste le problème de l'électricité, lequel touche les locaux. Nous avons fixé les horaires de travail. » « Cela dit, soulignent-ils, le commerce informel a contraint ces mêmes locataires à « travailler au noir à l'extérieur du marché. Nous avons avisé sur ce problème les services de la police urbaine, de la sûreté de daïra et de la wilaya, en vain. Ce n'est pas à nous de faire les policiers. Un commissaire affecté depuis trois mois dans notre commune a atténué l'ampleur de ce phénomène. » Une gestion à revoir Aujourd'hui, ce sont les commerçants au noir qui « activent à l'intérieur du marché, et de surcroît, sous la bénédiction des locataires légaux. Ces derniers nous demandent de ne pas les inquiéter en la circonstance. Quand ces mêmes vendeurs à la sauvette activaient aux alentours du marché, ces locataires nous exhortaient à les chasser. » Le contrat de location liant les deux parties, indiquent les mêmes interlocuteurs, est effectif depuis septembre 2002, date où ils ont reçu les décisions d'affectation de ces espaces. Mais nous avons décidé de comptabiliser leurs redevances en la matière à partir de la date de l'inauguration du marché. Nous les avons avisés par l'intermédiaire d'un huissier de justice. Nous avons transmis un dossier sur l'ensemble du problème à la Direction générale de la réglementation et des affaires générales (DRAG) en décembre 2004. Comment se fait-il qu'on attribue des contrats de location d'espaces commerciaux, dont les travaux ne sont pas achevés ? Comment se fait-il que ces commerçants aient approuvé une telle démarche ? Selon ces mêmes responsables, Sonelgaz installera incessamment le poste et le cordon électrique pour une enveloppe de 143 millions de centimes. Seront « installées, aussi les enseignes. Ainsi, toutes les conditions seront réunies pour exploiter d'une manière fructueuse ces espaces. Nous leur demandons de couvrir leurs loyers. Certains se disent dans l'incapacité de les honorer, vu qu'ils n'ont pas travaillé. Un contrat est un contrat, et il y a toujours un moyen de s'acquitter de ses dettes, à titre d'exemple, payer par échéances. » Le marché de Mohammadia est-il le château de Kafka ou une bombe à retardement ? Peut-être les deux à la fois. Et si la bombe explose dans le château ? Ce sera une autre situation absurde aux relents de la logique du procès de... Kafka.