Promiscuité, drogue, oisiveté entre autres. Tel est le quotidien de nombreux jeunes d'une partie de la cité La Montagne dans la commune de Bourouba. Comme ils le disent, au regard de ces conditions, tous les jours se ressemblent, tous les jours sont des vendredis. De par cet environnement, le commun des mortels subit la vie comme une espèce d'imprécation. Les immeubles sont lugubres de par leurs façades incolores. En plein air se croisent des fils électriques, signe de piratage d'énergie, côtoyant des cimes d'arbres rappelant qu'il y avait ou devait y avoir un espace vert. Les ruelles sont défectueuses. En plusieurs endroits, des ordures sont entassées au bonheur des chiens et chats errants. Des détritus traînent sur des trottoirs et une partie de la chaussée. Les sous-sols des immeubles sont aménagés en logis. Les installions électriques sont dans un état déplorable et présentent un danger pour les résidents. En effet, des câbles, fils et boîtes de derivation sont défectueux. Ce qui provoque des courts-circuits même au niveau de la niche et de la station d'alimentation électrique, selon des témoignages. Les réseaux d'alimentation en gaz ne sont pas épargnés par l'usure du temps et de l'indifférence humaine. Des fuites y sont signalées, selon les mêmes interlocuteurs. Lesquels ajoutent que les instances concernées, à commencer par les responsables locaux, n'ont rien fait pour instaurer les conditions minimum de vie. Des responsables « qui sont là où ils sont pour se servir et non pas pour servir. » En parallèle, le chômage sévit, la drogue entretient l'espoir du moins pour un temps, le temps de savourer dans les volutes et l'envoûtement l'après-volute. Ces horizons édeniques arrachés à la patrie des illusions. La promiscuité taraude les humeurs et interdit le rêve. Ainsi, faudrait-il se débrouiller la nuit un espace pour dormir, à savoir une place dans une voiture. « Des familles de 20 membres sont entassées dans des F2. Ma famille compte 16 personnes. Impossible de coexister dans un espace exigu. Nous avons fait une demande de logement social en 1976, en vain. Je connais une fille âgé de 18 ans qui a bénéficié d'un logement. Je trouve cela aberrant. Nous vivons dans la promiscuité. Comme solutions, certains installent des baraques à Bachedjarrah ou au cimetière. D'autres dorment dans des véhicules. Des familles ont aménagé les caves des immeubles en logis », explique Abdelouahab, 26 ans chômeurs, rencontré à l'instar d'autres jeunes de la cité sur les lieux. Pour gagner leur vie, ces derniers se débrouillent grâce au commerce à la sauvette. « Nous vendons des cigarettes et articles vestimentaires entre autres pour survivre », indiquent-ils. « Les immeubles sont dans un état de dégradation avancé. Les responsables locaux nous ignorent, le service de l'OPGI est indifférent à ces bâtisses. Depuis que les élus actuels ont pris fonction, il n'y a plus de femmes de ménage pour entretenir les cages d'escalier. Ils les ont licenciées. Restent les concierges, ils sont inutiles et se présentent une fois par mois. Nous refaisons la peinture à chaque fois qu'il pleut. Nous réparons les réseaux de gaz et les fils électriques défectueux, et plusieurs fois, nous louons un camion pour évacuer les ordures. Aujourd'hui, la cité est dans une situation lamentable. Les chauffeurs de taxi refusent d'y pénétrer, car les ruelles sont impraticables. De peur de tomber en panne », poursuivent les mêmes interlocuteurs. Des parties des trottoirs sont squattées et cernées même par des clôtures en roseau. Elles sont destinées à des constructions illicites. Pour les loisirs, aux dires de ces mêmes jeunes, ils ne disposent d'aucune infrastructure. Les jours s'égrennent dans la désolation ennuyeuse d'un sempiternel désœuvrement. « Nous avons aménagé un terrain de football. Les élus locaux y jettent du remblai et veulent en faire un marché. Il y a un autre stade mais pour y jouer, il faut payer, soit 50 DA par personne. Nous vivons dans un mouroir. Les instances censées améliorer les conditions de vie des citoyens fuient impunément leurs responsabilités. Pis, si nous essayons d'améliorer notre sort, ces responsables se présentent pour nous en empêcher. Ainsi, nous avons cotisé et construit un dépotoir, car nous n'avons pas de décharges pour les ordures. Les élus locaux l'ont détruit. En hiver, les eaux de pluie suintent des murs et s'infiltrent dans les compteurs et boîtes de dérivation. D'où les courts-circuits. Comme toutes les installations électriques sont dans un état lamentable, il y a risque d'être électrocuté en touchant un mur ou même en le rasant. Nous avons peur en conséquence pour nos gosses », relatent les mêmes résidants. En parallèle, à l'instar des cités populaires, les stupéfiants constituent une source de revenu pour les uns et un filtre de mirages pour les autres. « Dans cette cité, il y a même des vendeurs de drogue en gros. Tout dépend de la bourse du consommateur. Le malvivre sévit. Des gens dorment dans des voitures, au parc. Ils y font même la relève. » La cité La Montagne, un âtre où les gens meurent plusieurs fois par jour en attendant de cesser de respirer. L'espoir ? Il est permis à travers les volutes de drogue que des yeux embus suivent, les paupières lourdes dans le ciel. Ils les contemplent se dissiper pour ensuite voir l'azur. Un azur qui miroite de faux horizons appréciés le temps d'une nuit.