La colère gronde toujours, le fossé se creuse davantage entre le sommet de la centrale syndicale et sa base et cette semaine promet d'être plus agitée que la précédente. Les syndicalistes de la SNVI, réunis hier autour du président de l'union locale UGTA de Rouiba, ont décidé de poursuivre leur mouvement de protestation qui paralyse depuis une semaine les activités du complexe et de nombreuses autres unités publiques de la zone industrielle de Rouiba-Réghaïa. Relayant la colère des travailleurs exacerbée par le communiqué publié par la centrale syndicale ce week-end, les syndicalistes qualifient ce texte, signé Sidi Saïd, de « provocation de plus et une preuve qu'entre la base et le sommet de l'UGTA il y a un gouffre ». Il a été décidé à l'unanimité de poursuivre la protestation « en organisant des marches pacifiques jusqu'à ce que les pouvoirs publics annoncent des mesures concrètes quant aux salaires et au départ à la retraite ». Un encadreur du mouvement de protestation des travailleurs de la zone industrielle de Rouiba, que nous avons joint hier par téléphone, nous a déclaré : « Au lieu de lancer un débat constructif, de se remettre en cause pour avoir osé décider à la place des travailleurs sans les associer aux discussions sur des questions qui les touchent directement, Sidi Saïd diffuse un communiqué à travers lequel il loue les efforts du gouvernement. Nous ne sommes pas du tout sur la même longueur d'onde. Il défend ceux que nous dénonçons. Il se trouve dans le camp qu'on lui a imposé. » Notre interlocuteur précise qu'il a été décidé d'agir dans le sens à associer le maximum de travailleurs à cette action au sein de la zone industrielle de Rouiba et même au-delà. « Nous allons être plus nombreux à répondre à Sidi Saïd, encore une fois. Car les manifestations que nous organisons depuis dimanche dernier sont l'expression de notre position vis-à-vis de ce qu'il a été amené à signer lors de la dernière réunion tripartite. Celle de demain – et des jours à venir si les pouvoirs publics persistent dans leur silence – sera le prolongement de cette position et en même temps une dénonciation de cet autre impair commis par l'UGTA, à savoir le communiqué qu'elle vient de rendre public », nous dit un autre travailleur. Et d'ajouter : « Au lieu d'apporter des réponses aux problèmes soulevés par les travailleurs, Sidi Saïd nous parle de ''programmes de modernisation et de relance économique, décidés par son excellence, M. le président de la République''. M. Sidi Saïd, nous vous parlons de pères de famille qui travaillent dans des conditions inhumaines, mais qui meurent de faim dans un pays qui regorge de richesses. Nos salaires ne nous permettent pas de nourrir convenablement une famille de 6 personnes durant 15 jours tandis que les serviteurs du pouvoir, sans rendement aucun pour l'économie nationale, touchent 10 à 20 fois notre salaire. » Nos interlocuteurs nous déclarent que des contacts soutenus ont lieu avec les syndicalistes des autres unités afin de maintenir la mobilisation de la semaine dernière. « Nous étions plus de 5000 travailleurs à sortir jeudi dernier et nous serons encore plus nombreux cette semaine. Il ne faut pas oublier que des milliers d'autres travailleurs ont été empêchés de nous rejoindre dans la rue. Le nombre impressionnant d'éléments des forces antiémeute mobilisés à Rouiba renseigne sur l'affolement du régime. Qu'il se rappelle qu'Octobre 1988 a démarré à partir de Rouiba », nous déclare-t-on. A rappeler que les travailleurs réclament une augmentation conséquente des salaires et le droit de partir à la retraite avant l'âge de 60 ans pour ceux qui auront rempli les conditions contenues dans la loi de 1997 régissant le départ à la retraite proportionnelle. Ce mouvement de protestation se veut une réaction aux conclusions de la dernière tripartite qui a décidé d'une augmentation de 3000 DA du SNMG pour le porter à 15 000 DA et la suppression du droit de sortir en retraite proportionnelle.