Depuis quelques années, le nombre des patients algériens transférés pour des soins à l'étranger a considérablement diminué. Grâce à une ambitieuse et vaste politique de substitution initiée en 2006, les deux ministères engagés dans cette réforme (celui de la Santé et celui du Travail et de la Sécurité sociale) ont demandé, l'an dernier, à la Commission nationale des transferts de malades à l'étranger (CNT) de n'accorder son visa qu'aux seuls cas « exceptionnels ». Conformément au calendrier proposé par Amar Tou et Tayeb Louh (les deux ministres à l'origine de cette réforme), les transferts pour des soins à l'étranger ont été réduits de 30% en 2007, de 20% en 2008, pour être définitivement arrêtés en 2009. Arrivé à échéance cette année, le programme de santé à concrétiser pour la prise en charge locale de ces malades laisse pourtant apparaître de nombreuses zones d'ombre et engendre des situations pour le moins dramatiques. En effet, même si l'Etat a consenti des investissements matériels et humains très importants et que des conventions ont été signées avec certains hôpitaux étrangers (afin de permettre à des équipes étrangères d'effectuer des interventions chirurgicales pointues en Algérie), beaucoup de patients se retrouvent malheureusement coincés entre le concept de « cas exceptionnels » et l'absence de réelles solutions médicales dans notre pays. « Si je suis condamné ou si certains bureaucrates estiment que ma vie ne vaut pas la peine que l'Etat débourse plus d'argent, il faut me le dire franchement et arrêter de me donner de faux espoirs », me confessait, il y a peu, un patient qui, en dépit des multiples recommandations (et de l'aveu d'impuissance) du professeur qui le prend en charge, bute inlassablement sur le refus de cette commission de transfert. Ce concept d'exception est malheureusement trop flou pour permettre une application totalement transparente des recommandations ministérielles. Il faudrait, en fait, une définition plus précise que celle offerte à la presse par le ministre du Travail et de la Sécurité sociale : « Les critères (de sélection) déterminants sont le risque vital, la solution thérapeutique et l'absence de solution dans le pays. » Si ces « critères » permettent de prévenir d'éventuels abus, ils ne garantissent malheureusement pas à nos concitoyens un accès certain aux soins qu'ils espèrent et méritent. Au-delà de l'appréciation médicale du cas de chaque candidat à un transfert à l'étranger, le recours même à cette CNT est, si l'on y réfléchit bien, quelque peu inopportun, voire abusif. En effet, comment peut-on sérieusement demander aux spécialistes qui siègent à cette commission de discuter les demandes de transfert appuyées et justifiées médicalement par des personnes aussi éminentes et respectables que des professeurs en médecine ? En ayant cela à l'esprit, on est en droit de se demander pourquoi cette omnipotente CNT n'a qu'un simple droit de regard sur les demandes de transferts formulées. Mais le plus grave, c'est que selon la logique même de cette politique de substitution, qui est censée être arrivée à échéance cette année, le patient débouté doit pouvoir être réorienté et bénéficier de soins équivalents. Chaque refus devant être accompagné par une prise en charge systématique en Algérie. Malheureusement, aucun texte (connu) ne précise les modalités de réorientation des patients recalés. Quoi qu'il en soit, si l'année 2009 a sonné le glas de la quasi-totalité des transferts vers l'étranger, elle doit aussi être l'occasion de faire un bilan sur l'acquisition des compétences et des moyens inscrits à ce fameux programme de substitution. Sans entrer dans les détails, un simple coup d'œil permet d'ores et déjà de dire que l'objectif du transfert technologique n'a pas encore été atteint. Il en est de même pour le développement des structures de pointe censées constituer une alternative aux transferts à l'étranger. Plus globalement, ce sont, en fait, les programmes les plus ambitieux et les plus louables qui enregistrent des retards pour le moins inquiétants. Des projets comme la création de 60 hôpitaux (à travers le pays), la construction de divers instituts de santé ou le système de contractualisation sont autant des chantiers éternels. Sans oublier de rappeler les orientations du Président, lors du congrès du Nepad, vers une coopération médicale sud-sud. Nous estimons que les responsables et les malades ont plus à gagner avec ce genre de coopérations moins onéreuses et pouvant donner un plus grand nombre de chances aux malades en liste d'attente Plutôt que de confier les premiers rôles de la réforme de notre espace de santé à une CNT qui se borne à opposer des « niet » aussi froids qu'incompatibles avec les principes médicaux les plus élémentaires, nous pensons qu'il serait plus logique et opportun d'apporter des réponses concrètes aux attentes (parfois fiévreuses) de nos concitoyens. Nous évoquons ce problème de transfert avec tant de véhémence, car nous estimons que cette commission obscure n'a pas le droit de s'en tenir à un simple rôle de gendarme. La médecine étant la plus humaine de toutes les sciences, aucun patient ne devrait être abandonné dans les dédales de la bureaucratie. Lauteur est : Président de la commission nationale de la santé et des droits du malade asca