Comme annoncé, mais plus tôt que prévu, le retrait de l'armée syrienne du Liban était, hier à Damas, au centre des entretiens du chef de l'Etat syrien Bachar Al Assad avec son homologue libanais. Les entretiens ont commencé en début d'après-midi dès l'arrivée du président libanais, accompagné du président du Parlement Nabih Berri, du Premier ministre démissionnaire Omar Karamé, du vice-Premier ministre Issam Farès, et du ministre des Affaires étrangères Mahmoud Hammoud. Et c'est sans surprise que le Haut conseil syro-libanais, présidé par les chefs d'Etat libanais et syrien, a décidé hier de redéployer les forces syriennes stationnées au Liban jusqu'à la plaine de la Békaa (est) avant la fin mars, selon un communiqué. « Le Haut conseil syro-libanais a décidé du redéploiement des forces syriennes jusqu'à la Békaa (...) avant la fin mars 2005 », indique le texte publié après la réunion des présidents libanais Emile Lahoud et Bachar Al Assad. Quelque 14 000 soldats syriens sont toujours stationnés au Liban. Pendant ce temps à Beyrouth, près de 150 000 Libanais, selon un officier de police, manifestaient à l'appel de l'opposition, en partant de la place des Martyrs jusqu'au site de l'attentat sur le front de mer pour réclamer la vérité à l'occasion du 21e jour de l'assassinat de Rafic Hariri. Les organisateurs avançaient pour leur part le chiffre de 200 000 à 250 000 manifestants. « Il s'agit de la plus forte mobilisation depuis les funérailles » de l'ex-Premier ministre libanais le 16 février auxquelles avaient participé plusieurs centaines de milliers de personnes. Quelques heures auparavant, l'opposition libanaise accueillait favorablement l'appel du Hezbollah à préserver la paix civile et le dialogue national, et a appelé ses partisans à respecter les slogans unitaires et à éviter les provocations lors du rassemblement d'hier. « L'opposition accueille favorablement l'appel du chef du Hezbollah Hassan Nasrallah au dialogue national, et son attachement à la paix civile, et à la sauvegarde de l'Etat », indique un communiqué de l'opposition à l'issue d'une réunion tenue dimanche soir. Elle rappelle sa volonté de « s'ouvrir à toutes les forces politiques qui jouissent d'une réelle représentation et ne sont pas soumises aux services de renseignement ». Le communiqué de l'opposition affirme que « les Libanais n'ont pas à choisir entre une souveraineté syrienne et une autre israélienne ou étrangère sur leur pays ». « Leur choix est de récupérer leur souveraineté nationale, loin de toute tutelle », insiste le texte. Cheikh Nasrallah a appelé à une manifestation pacifique aujourd'hui au centre de Beyrouth destinée « à dénoncer les ingérences étrangères ainsi que la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l'ONU, défendre la résistance (face à Israël), préserver la paix civile et rejeter la signature de tout accord avec Israël ». Une rencontre était prévue hier entre le chef du Hezbollah et deux représentants de l'opposition. Hassan Nasrallah a souligné que la manifestation d'aujourd'hui n'est nullement « dirigée contre l'opposition » qu'il a appelée à se joindre à la protestation. Il a tenu à affirmer son refus de toute manifestation armée qui « sera combattue avec force ». En dépit des appels au pacifisme de M. Nasrallah, un Libanais de 18 ans a été grièvement blessé dimanche soir par balle près de la place des Martyrs, où l'opposition antisyrienne manifeste chaque soir depuis plus de deux semaines. Un haut responsable de la sécurité a indiqué que le tir qui avait blessé le jeune homme provenait d'une voiture arborant un drapeau du mouvement Amal. Ce tir visait, selon lui, une voiture portant le drapeau des Forces libanaises (opposition chrétienne). Devant ce dérapage, l'opposition a réitéré « le caractère pacifique » de son mouvement de contestation. Elle a appelé les manifestants à éviter les provocations et à « brandir uniquement des drapeaux libanais et non partisans et à respecter les slogans unitaires » du rassemblement organisé hier. Mais indéniablement, le Liban vit au rythme de la contestation avec ce que certains n'hésitent pas à qualifier de « révolution du cèdre », et aussi de pressions extérieures convergentes pour, dit-on, libérer le Liban. Pourtant, la présence syrienne n'est pas nouvelle, et beaucoup, y compris les puissances étrangères, s'en sont bien accommodées. Quand il le fallait bien sûr.