Paris ne veut pas « banaliser » ses relations avec Alger. Aussi, tient-on à souligner que Bernard Kouchner sera en visite, pour la deuxième fois en trois ans, en Algérie au printemps prochain. . L'agenda n'a pas été fixé mais le chef de la diplomatie française sera à Alger vers la fin février ou début mars 2010. Tout dépend en fait de la conclusion des travaux des différents groupes qui planchent sur la révision de l'accord franco-algérien de 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles, sur les archives et sur la décontamination des zones polluées par les essais atomiques français au Sud algérien. Côté algérien, on estime que la venue à Alger du ministère français des Affaires étrangères doit être l'aboutissement des accords sur ces trois dossiers au moins. Les accors de 68 en suspens Cela devrait être un prologue à une éventuelle visite du président Abdelaziz Bouteflika à Paris les prochains mois. « La tenue d'un sommet des chefs d'Etat des deux pays dépendra de notre rapidité à régler les problèmes en suspens. Beaucoup de dossiers n'ont pas vraiment avancé », a déclaré le chef de la diplomatie algérienne, Mourad Medelci, lors de l'émission « Tahawoulat » de la Chaine I de la radio nationale. Selon lui, il n'existe aucune date à cette visite pour l'année en cours. Abdelaziz Bouteflika devait se déplacer en France en juin 2009. La visite a été reportée sine die sans explication. Après avoir traîné, les négociations sur les accords de 1968 qui donnent un statut particulier aux Algériens de France ont repris depuis sept mois mais n'ont pas encore abouti. Les archives : Un dossier compliqué « Les négociations sont ce qu'elles sont. Il y a un point A et un point B et entre les deux, il y a parfois un point C », a soutenu un diplomate. Au départ, Alger était réticent à la révision des accords. Une visite en Algérie de Eric Besson, ministre de l'Immigration, de l'Intégration et de l'Identité nationale, a été à plusieurs reprises reportée. Autre dossier compliqué : les archives. La France est décidée à ne pas restituer à l'Algérie « les archives de souveraineté » en se basant sur les règlements internationaux. A Paris, on relève que des archives audiovisuelles importantes ont été données à l'Algérie après la venue du président Nicolas Sarkozy en décembre 2007. Et, on rappelle que les archives françaises sont consultables et ouvertes aux chercheurs algériens. A Alger, on note que le pays est attaché à la récupération de toutes les archives, y compris celles de la période coloniale. La demande faite en ce sens a eu un faible écho. « Nous ne sommes pas satisfaits. J'ai demandé à mon homologue Kouchner pour qu'on ouvre le dossier des archives de sorte à ce que l'Algérie reprenne complètement les archives », a estimé Mourad Medelci lors de la même émission. En dépit de cela, les deux pays ont signé un accord technique en mars 2009 sur les archives. La question de la décontamination des zones touchées par les opérations Gerboise d'essais nucléaires français dans le Sahara et celle de l'indemnisation des victimes civiles ne sont pas encore réglées. Le dossier est qualifié de sensible au Quai d'Orsay. Alger veut avoir tous les détails sur l'étendue réelle des régions polluées par des essais. La Black List dressée par la France, incluant les pays à risque, sera également au menu de la prochaine visite de Bernard Kouchner qui a été saisi par lettre officielle par son homologue algérien. La décision de Paris, autant que celle de Washington, a été qualifiée par Alger de « discriminatoire et inacceptable ». Hasseni, Tibhirine, le nucléaire... Cela s'ajoute aux complications liées à l'affaire du diplomate Mohamed-Ziane Hasseni, mis sous contrôle judiciaire pour soupçons d'assassinat de l'avocat opposant Ali Meceli en 1987, et à celle des déclarations de l'ancien attaché militaire français à Alger, le général François Buchwalter qui a mis à l'index l'armée algérienne dans l'assassinat des moines de Tibhirine en 1996. Sur un autre chapitre, l'accord nucléaire civil, signé par les deux pays, est mis au frigo. A Paris, on parle de « retard d'allumage » du côté algérien. Et à Alger, on estime que la coopération nucléaire pacifique doit obéir aux principes de la diversification. Il reste que sur le plan économique, les choses évoluent plus rapidement. Preuve en est l'important contrat arraché par le groupe Total pour l'exploitation du champ d'hydrocarbures d'Ahnet pour un montant de presque 2 milliards de dollars. Ce contrat, autant que deux autres avec des consortiums espagnols, philippins et italiens, a été signé le soir même, dimanche 17 janvier, de la confirmation par Chakib Khelil, ministre de l'Energie et des Mines, de l'arrestation et de la mise sous contrôle judiciaire de presque tous les cadres dirigeants de la Sonatrach. Les marchés ont été donc signés par un président directeur général intérimaire. Total a ramé pendant des mois avant la signature du contrat reprochant à la partie algérienne des conditions fiscales et juridiques « désavantageuses ». Aujourd'hui, le groupe de Christophe de Margerie, qui envisage de réduire sa voilure en France, voit loin de ce côté-ci de la Méditerranée surtout dans le domaine gazier. Total développe actuellement le champ de Timimoun. « Nous avons pris l'engagement de déposer à l'Agence de valorisation des hydrocarbures (Alnaft) le plan de développement d'Ahnet d'ici 2011. Notre engagement est de produire, avec nos partenaires, 4 milliards de mètres cubes de gaz par an », a précisé son PDG, dans un entretien publié hier par Liberté.