La Côte d'Ivoire a préparé avec soin son match de demain soir face à l'Algérie (20h30) au Chiazi Stadium à Cabinda, même si son coach, le Bosniaque Vahid Hallilodzic, a déploré le fait que son équipe ait été contrainte à un repos forcé de 9 jours. Au soir de la qualification de l'Algérie, rencontre qu'il a suivie en compagnie de son collaborateur et ancien partenaire à Nantes, Bruno Baronchelli, il a accepté de nous recevoir dans le restaurant réservé à la Côte d'Ivoire, au village Cabassango. Après la fin de notre entretien, il a décidé le black-out total jusqu'à la conférence d'hier. Coach, la qualification aux quarts de finale n'a pas été facile ? Oui et non parce que la qualification dans ce groupe s'est jouée à trois au lieu de quatre après le retrait du Togo. Cette formule est mauvaise. Elle ne permet aucun faux pas. Notre entame de la compétition s'est soldée par un match nul (0-0) devant le Burkina Faso. Le résultat a été différemment apprécié. Moi, je n'étais pas trop inquiet. L'équipe a produit du jeu, s'est créée des occasions, malheureusement la chance nous a tourné le dos. Je déplore la manière avec laquelle le Burkina Faso a joué. Il a totalement refusé le jeu. En deux matches, en qualification, nous lui avons planté 8 buts. Sur le match de Cabinda, le ballon ne voulait pas rentrer. Ce résultat a-t-il perturbé le groupe ? Fatalement, mais pas trop. Ce sont des garçons habitués à la haute compétition, mais ils restent des êtres humains, c'est-à-dire qu'ils peuvent douter parfois. Nous avons beaucoup parlé après le premier match. Ensuite, j'ai senti en mon for intérieur que l'équipe allait battre le Ghana. Nous l'avons fait avec la manière et nous nous sommes réconciliés avec nos supporters. C'est à partir de ce moment que la Côte d'Ivoire est vraiment rentrée dans la CAN. Je demeure persuadé que les choses iront de mieux en mieux. A présent les équipes doivent jouer, se livrer pour franchir ce tour. J'ai une équipe qui a toutes les caractéristiques pour relever ce challenge. Comment appréhendez-vous le match contre l'Algérie ? Ce sera un match très difficile pour les deux équipes. L'Algérie est bien revenue après une regrettable absence lors des deux dernières phases de la CAN. Aujourd'hui, elle est là en face de nous après avoir écarté le Mali et surtout l'Egypte de la Coupe du monde. C'est un exploit qui renseigne parfaitement sur la valeur de cette équipe. Vous connaissez des joueurs algériens ? Quelques-uns qui jouent en Europe et qui ont été formés en France. Antar Yahia, Belhadj, Bougherra, Ziani, Yebda sont d'excellents joueurs. Mes joueurs les connaissent aussi. Nous ne partons pas dans l'inconnu. Vous avez certainement supervisé, ou fait superviser, l'Algérie ici en Angola ? C'est un travail régulier que mon staff et moi faisons à chaque fois que nous rencontrons une équipe. Permettez-moi de garder pour moi et mes joueurs les détails de cette observation. Avec l'aura de votre équipe, les ambitions annoncées avant le début de la compétition (le titre), la Côte d'Ivoire n'a pas le droit à l'erreur... Effectivement. Nous n'avons d'autre alternative que la victoire contre l'Algérie et les matches qui suivront. La Côte d'Ivoire est très ambitieuse et j'ai à cœur de contribuer directement à la concrétisation de cet objectif. Je reconnais que la pression et les attentes sont énormes. Avant de venir en Angola, le président de la République m'a lancé : « Vahid je compte sur toi pour ramener le trophée. » C'est une lourde responsabilité que j'assume pleinement. Je ne suis pas un entraîneur qui se cache ou qui fuit ses responsabilités. Le métier est dur ? Particulièrement en Afrique où les attentes sont très grandes. J'aime beaucoup le football africain. Toutefois, je déplore ce côté exagération qui fait perdre toute notion de bon sens et de réalisme. Le football africain a besoin de calme et de sérénité pour pouvoir avancer. La pression qui entoure tous nos matches est terrible. On dirait que les joueurs n'ont pas le droit de ne pas gagner un match. Il faut combattre cette mentalité afin de placer le joueur dans les meilleures conditions psychologiques pour bien s'exprimer et étaler ses qualités. Ce n'est pas en lui mettant une pression excessive qu'il arrivera à réaliser la performance souhaitée. Est-ce facile de diriger une équipe comme la Côte d'Ivoire constituée de grands joueurs qui font le bonheur de clubs huppés en Europe ? C'est une bonne question (rires). Vous savez, j'ai été joueur et je connais la mentalité des joueurs. J'ai pratiqué le haut niveau en Europe, je connais ses exigences. Donc, avec les joueurs, je sais comment m'y prendre. Le plus difficile, c'est de faire adhérer tout le monde aux idées et objectifs. En football, des joueurs ont tendance à la jouer perso. Si chacun tire la couverture vers lui, c'est la fin de l'équipe. J'anticipe beaucoup et je n'arrête pas de leur parler individuellement et collectivement. Pour l'instant, je touche du bois. On dit souvent, trop de bien nuit. Est-ce le cas avec la Côte d'Ivoire ? Je préfère disposer d'un très riche effectif que le contraire. J'ai la possibilité de faire des choix et c'est important pour une équipe qui joue les premiers rôles. Ce n'est pas facile de dire à un grand joueur « aujourd'hui, tu ne joues pas ». Il ne comprendra jamais parce qu'ils sont tous des compétiteurs. Mais ils ont une mentalité formidable. Ils ne font jamais la tête. Ils sont convaincus que mes choix n'obéissent qu'à un seul critère, celui de la performance. Comment se comporte dans le groupe un joueur comme Didier Drogba ? C'est un exemple à tous points de vue. C'est le guide. Sa grande qualité est qu'il n'a pas de faux semblants. Il paie de sa personne, montre la voie et justifie amplement son statut. Il est très respecté par tous ses coéquipiers. C'est une chance, pour un entraîneur, de compter un tel joueur dans son groupe. Entraîneur en Afrique, ce ne doit pas être facile tous les jours ? Il faut être fort mentalement pour résister d'abord et réussir ensuite. J'ai cette capacité d'adaptation à toutes les situations, ce qui me permet d'aller jusqu'au bout de mon ambition. Votre ambition se résume-t-elle à diriger la Côte d'Ivoire ou à aller voir ailleurs, par exemple en Europe ? Retourner en Europe, j'y pense parfois. Le métier d'entraîneur est dur. Aujourd'hui vous êtes le meilleur et demain le plus minable des entraîneurs parce que le joueur a raté une balle de but ou que le ballon a heurté la barre et il est sorti au lieu de pénétrer dans les buts. Hallilodzic est-il un entraîneur courtisé ? Bien sûr. Pour l'instant, je ne m'occupe pas personnellement de ce volet. Après la Coupe du monde, on verra. Parfois, je me surprends à rêver de diriger un grand club en Angleterre ou en Espagne. Le destin décidera.