Il ne se passe pas un mois sans que la page des relations algéro-françaises soit ouverte et enrichie de nouvelles donnes. Les relations bilatérales entre ces pays tanguent au gré des conjonctures et des déclarations fâcheuses. Le refus exprimé par Alger de recevoir pour l'heure le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, renseigne sur l'existence d'un malaise qui ne peut se borner à la seule inclusion de l'Algérie sur la liste des pays à surveiller au poil près. D'autres visites reportées de part et d'autre sont aussi à inscrire sur le registre des coups de froid cycliques entachant les relations bilatérales, dont la plus significative est celle du président Bouteflika à Paris. Cette dernière, souffrant depuis 2008 d'un report à un autre, exprime de manière directe l'existence d'un malaise entre Paris et Alger qui a pris, depuis plus d'une année, son point d'accélération avec l'exclusion d'Alger du directoire de l'UPM. Même si la pilule UPM a fini par être avalée, d'autres mécontentements sont venus se greffer sur le registre des rapports algéro-français et dont les plus significatifs sont l'arrestation puis la mise en examen du diplomate algérien Ziane Hasseni et la réapparition de l'affaire des moines de Tibhirine avec l'incrimination de l'armée algérienne d'avoir commis une bavure, à la faveur de laquelle affaire le président Sarkozy avait consenti l'ouverture des dossiers secrets. Autre point de discorde à joindre au diagnostic du coup de froid bilatéral, les critiques de certains milieux d'affaires français sur l'adoption, l'été dernier, de la loi de finances complémentaire jugée « trop protectionniste ». La position française, très favorable à la marocanité du Sahara occidental, n'est pas non plus à exclure de la brouille diplomatique entre Alger et Paris, même si sur le plan économique, la France demeure un partenaire de l'Algérie de premier ordre. La position algérienne concernant le lourd passif de discordes bilatérales s'est exprimée sous différentes latitudes, notamment le refus de recevoir les ministres français. Au mois d'octobre de l'année dernière, Alger n'a même pas jugé opportun de recevoir les ministres français de l'Immigration et de l'Identité nationale, et de l'Intérieur, respectivement Eric Besson et Brice Hortefeux. Ces derniers temps, le premier s'est fait remarquer par une loi particulièrement décriée sur l'identité nationale et le deuxième a été à l'origine des nouvelles mesures de sécurisation aérienne à la faveur desquelles l'Algérie a été mise sur liste noire. L'actuelle annulation de la visite de B. Kouchner à Alger ne fait donc que confirmer un malaise qui, au fil des valses-hésitations, renvoie à un avenir incertain le dénouement de beaucoup de dossiers. On citera à titre indicatif la négociation sur l'accord relatif au séjour et à l'installation des Algériens en France, datant de 1968 et en suspens depuis 2003 ; le blocage du côté français du dossier sur le nucléaire civil ainsi que le dossier de l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français dans le Sud algérien. Comme en diplomatie les mots ont leur poids, il est utile de souligner que Mourad Medelci a qualifié, dans une récente déclaration, les relations algéro-françaises de « relations d'intérêts ». Un qualificatif qui tranche avec les anciens discours sur une relation privilégiée et de longue amitié et qui ouvre une nouvelle approche algérienne qui semble exiger plus de contreparties.