hexagone, on pense sérieusement à faire le parallèle entre cette visite d'Etat et la fameuse réconciliation franco-allemande. Les présidents algérien et français doivent signer aujourd'hui à Alger une «déclaration politique commune» définissant «un partenariat» entre l'Algérie et la France. Celui-ci comporte quatre axes: «Un dialogue politique régulier, un renforcement de la coopération bilatérale au service des réformes (en Algérie), des relations économiques approfondies et l'amélioration de la circulation des personnes», auxquels vient s'ajouter la poursuite du «travail de mémoire». C'est ce qu'a déclaré le porte-parole de l'Elysée, Mme Colonna. Les observateurs, qui suivent les relations entre les deux pays, n'hésitent pas à trouver dans le contenu de cette déclaration commune une dimension historique. En effet, l'établissement d'un dialogue politique régulier, qui sous-entend une régularité de sommets algéro-français, constitue une avancée d'une extrême importance dans les rapports entre les deux Etats. Ce qui ne s'est jamais produit depuis l'indépendance de l'Algérie. Sur le plan de la coopération multisectorielle, la France s'engage, dans cette même déclaration, à renforcer la coopération bilatérale dans le cadre de la mise en place des instruments des réformes en Algérie. Ces réformes sont évidemment de nature économique, mais il est aussi question du système judiciaire, de l'administration et de l'école. Autant de chantiers ouverts par Bouteflika et qui nécessitent un apport concret de savoir-faire. Sur ce chapitre, la France, qui a été jusqu'ici frileuse, adopte donc, selon ces mêmes observateurs, une position autrement plus intéressante en décidant, à la lecture de la déclaration commune, de prendre une part active dans le soutien des réformes engagées en Algérie. Un état de fait qui tranche avec les hésitations de l'Elysée durant toute la décennie 90. Autre hésitation, qui sera, selon toute vraisemblance, levée, est l'approfondissement des relations économiques entre les deux nations. En effet, dans le document que signeront les deux chefs d'Etat, il est clairement établi une volonté d'aller vers des relations économiques approfondies. Ce qui, de loin, est important dans la déclaration de politique commune, concerne l'amélioration de la circulation des personnes, une revendication longtemps exprimée par l'Algérie, mais qui n'a pas eu d'écho de la part de la partie française. Le problème des visas, à maintes reprises posé par l'Algérie, n'a suscité que de timides réactions de l'Hexagone qui, à l'occasion d'un petit réchauffement, assouplissait quelque peu l'établissement du précieux document, pour ensuite, revenir à des comportements pour le moins humiliants à l'encontre des nationaux algériens désireux se rendre en France. L'introduction de ce point précisément dans la déclaration commune constitue en soi, une petite révolution dans les relations entre les deux pays. Il est important de souligner, en effet, que la circulation des Algériens en France, principal pays d'accueil de notre émigration, a de tout temps été la pierre d'achoppement de toutes les tentatives de rapprochement algéro-français. Pour de nombreux observateurs, en acceptant de traiter sans complexe cette question, les autorités françaises donnent le plus important gage de leur bonne volonté, au sens que le flux des nationaux vers la France ne sera plus considéré comme une gêne pour le pays d'accueil, mais plutôt comme une source d'enrichissement sur tous les plans. Les mêmes observateurs insistent sur le fait que la seule ouverture de ce dossier traduit la sincérité de la France sur les autres volets de coopération abordés par la déclaration de politique commune. Reste le passif colonial que les deux chefs d'Etat entendent dépassionner pour un meilleur renforcement des relations futures entre les deux nations. A ce propos, la poursuite du «travail de mémoire», évoquée par le document, signifie une nouvelle approche de l'histoire commune des deux peuples. Les deux présidents qui ont, à plusieurs occasions déjà, brisé quelques tabous, en relation avec l'épisode douloureux de la Guerre de Libération nationale, auront fort à faire pour panser les blessures et amener les deux sociétés, notamment les Algériens et les Français qui ont vécu cette période, à tourner la page et voir de l'avant. Des deux côtés de la Méditerranée, on insiste sur l'exigence de tourner la page. C'est, en fait, le plus important chantier de la réconciliation algéro-française. Celle-ci est omniprésente dans le discours des deux présidents, au point qu'en France on pense sérieusement à faire le parallèle entre la visite d'Etat de Chirac en Algérie et la fameuse réconciliation franco-allemande, dont l'anniversaire a été célébré il y a quelques semaines seulement. Aussi, 40 ans après l'indépendance de l'Algérie, il semble que l'heure soit à la réconciliation entre les deux pays. Un événement que d'aucuns qualifient d'éminemment historique.