La décision de washington de dresser une liste de pays supposés représenter une menace pour la sécurité intérieure américaine, dans laquelle figure l'Algérie aux côtés d'autres pays désignés par les officines occidentales comme étant des sanctuaires du terrorisme international, a suscité le courroux d'Alger qui dit ne pas comprendre l'attitude des américains envers notre pays, bien que l'on reconnaisse, par ailleurs, paradoxalement, le rôle efficace et de premier plan que joue l'Algérie dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Comme dans une partition bien réglée, Paris s'est empressé, à son tour, d'emboîter le pas à Washington quelques jours seulement après l'annonce, faite par les américains, d'instaurer de nouvelles mesures plus draconiennes encore aux frontières de ce pays pour l'accès des ressortissants des pays ciblés comme l'Algérie, avec l'introduction d'une nouvelle technologie : le scanner corporel. Désormais, obligation sera faite pour la compagnie aérienne Air Algérie ainsi que pour les autres compagnies assurant des dessertes vers l'hexagone à partir de notre pays de signaler à chaque émission de billet la filiation complète des passagers au départ de l'Algérie à destination de la France. Après avoir fait le dos rond en se réfugiant derrière l'argument peu convaincant, pour justifier l'absence de réaction officielle, selon lequel aucune notification de cette liste n'a été faite à l'Algérie, le ministère des Affaires étrangères, réagissant à des écrits de presse s'interrogeant sur le silence des autorités algériennes face à ce coup de Jarnac de pays dont on se plaisait à vanter les bonnes relations existant entre l'Algérie et ces capitales, est monté au créneau pour exprimer la position officielle du pays face à ce dossier. Frilosité La convocation de l'ambassadeur des Etats-Unis à Alger - un geste qui, dans les usages diplomatiques, est le signe évident de l'existence d'une crise diplomatique entre deux Etats - avait été interprétée alors par certains observateurs comme une position de fermeté de l'Algérie qui n'entend pas négocier la dignité de ses ressortissants, fut-t-il face à un puissant pays comme les Etats-Unis qui a prouvé que, dans les moments difficiles, il n'a ni ami ni allié mais que des intérêts à défendre. Pour apaiser la tension, l'ambassadeur des Etats-Unis à alger, dans une déclaration à El Watan, avait annoncé qu'un haut responsable politique américain se rendrait prochainement en visite à Alger en vue d'expliquer aux autorités algériennes les objectifs et les intentions américaines du nouveau dispositif de contrôle renforcé, mis en place pour l'accès aux Etats-Unis. Le même diplomate qui était en visite ce week-end à Aïn Defla a regretté que la décision américaine ait soulevé des réactions négatives en Algérie tout en louant, par ailleurs, les efforts de l'Algérie dans le cadre de la lutte antiterroriste et les résultats probants enregistrés sur le terrain. Un bon point, un discours politique qui ne change rien aux données du problème et qu'il faut, par conséquent, prendre pour ce qu'il est. L'on apprendra également que la diplomatie algérienne s'est mise en branle, notamment avec cet entretien téléphonique qui a eu lieu, lundi dernier, entre les deux chefs de la diplomatie algérienne, Mourad Medelci, et américaine, Hilary Clinton, à la demande de cette dernière. Le ministre des Affaires étrangères est revenu, mardi dernier, sur ce dossier lors de son intervention sur Canal Algérie . L'Algérie « surprise et contrariée » L'opinion algérienne attendait du chef de la diplomatie algérienne des déclarations qui soient en harmonie avec la démarche diplomatique proclamée de faire entendre la voix de l'Algérie dans cette affaire. Les observateurs avaient trouvé M. Medelci à cette émission trop diplomate par rapport à la gravité de l'événement et du moment, en abordant le sujet avec des pincettes, recourant à une sémantique empruntée à la langue de bois diplomatique, là où l'opinion attendait des déclarations fermes et sans équivoque. Jugez-en ! Le ministre s'était déclaré « surpris », « contrarié » par ces mesures jugées « inamicales envers un pays pourtant ami ». Il confie avec une crédulité déconcertante que l'Algérie n'a pas été consultée par ses partenaires pour ce dossier comme si les Etats-Unis ont pour habitude d'avoir le feu vert dans tout ce qu'il entreprend, a fortiori auprès de pays qui ne pèsent pas sur la scène internationale. « L'Algérie ne peut que contester les mesures prises par les Etats-unis pour singulariser certains pays », s'offusque M. Medelci qui souligne que « l'Algérie privilégie le dialogue pour trouver une solution qui préserve les intérêts de tous ». Faudra-t-il attendre quelque chose de l'action diplomatique, quand on sait que les Etats-Unis n'ont pas pour habitude de faire amende honorable et de plaider coupable même lorsqu'ils sont en faute ? L'Algérie le sait, les américains ne feront jamais machine arrière pour la repêcher de cette liste infamante. Cela pour une raison évidente : parce que, et c'est un avis largement partagé, la réaction de notre diplomatie n'aura pas été à la mesure du défi. L'Algérie aurait pu se montrer plus offensive, elle a des atouts - économiques surtout, ce qui n'est pas rien - pour négocier au mieux ses intérêts en tant que partenaire respecté. Pour moins que cela, pour un banal match de football, l'Egypte qui est mal placée pourtant pour donner des leçons de dignité et de respect de la souveraineté nationale a rappelé son ambassadeur en poste en Algérie. Pourquoi alors cet embarras, ce complexe de l'Algérie à hausser le ton face à des pays qui eux, ne s'encombrent d'aucun scrupule pour faire la différence entre les intérêts nationaux et les relations entre Etats, deux présupposés qui ne sont pas solubles l'un dans l'autre ?