A Alger, mais aussi dans de nombreuses grandes villes du pays, le cours de l'euro, principale monnaie échangée, a atteint les 178 DA, voire 179 DA en fin de journée d'hier. Rencontrés sur les lieux, les cambistes proposant de la devise, rue de la Liberté au square Port Saïd, nous ont affirmé que «l'achat de l'euro est à 172 DA (17,20) et la vente à 178 (17,80)». Les quelques «courtiers» interrogés disent ne rien comprendre à cette brusque flambée des cours ; la seule explication qu'ils donnent se résume au manque de disponibilité de la devise sur le marché. «Depuis quelques jours, nous avons constaté une forte demande d'euros et les gens qui proposent leurs devises à la vente se font rares», nous dit un cambiste. Pour certains courtiers, il s'agit là d'un fait «tout à fait habituel», en ce sens que le cours de la devise, aussi bien officiel que parallèle, «peut connaître à n'importe quel moment des fluctuations, à la baisse comme à la hausse, sans qu'on puisse réellement en déterminer les causes». Mais le fait que la devise se raréfie «cela ne s'est jamais produit d'une manière aussi spectaculaire comme ces derniers jours», nous dit-on encore. De l'avis de certains cambistes, se disant connaisseurs du marché, cette frénésie d'achat de l'euro peut avoir un lien direct avec la situation générale du pays et les «incertitudes», voire les «craintes» que ressentent beaucoup de détenteurs de capitaux quant à l'avenir proche de l'économie nationale. Salim, un jeune habitué des lieux, affirme que «les détenteurs de grosses sommes d'argent en dinar préfèrent, en des situations pareilles où la valeur de la monnaie nationale ne fait que chuter, se prémunir contre tout retournement de situation en achetant de la devise pour la cacher soigneusement ou la transférer, illégalement bien sûr, à l'étranger». Selon lui, le marché informel n'est jamais resté insensible aux différentes conjonctures prévalant dans le pays : «La situation que nous traversons inquiète bon nombre de personnes, et il est tout à fait normal que des gens, les plus fortunés surtout, aient peur de perdre leur argent si les choses tournaient mal.» Selon un autre cambiste, la monnaie européenne est de plus en plus prisée ces derniers temps pour la simple raison que les quantités sont de moins en moins disponibles. «Nos immigrés, touchés par la crise en Europe, ne transfèrent plus de grosses sommes, ce qui se répercute sur la disponibilité de l'euro sur le marché parallèle», nous explique-t-on. Dans pareil cas, «certains milieux influent indirectement sur le marché et font grimper le prix de l'euro pour inciter ceux qui en détiennent à les vendre», nous dit-on encore.