« Nous n'avons jamais connu une crise d'une telle ampleur. » Tous les acteurs sont unanimes : l'aviculture oranaise est purement et simplement menacée de mort. Oran est la dernière région productrice de volailles ; en l'espace de quelques mois, elle a cependant enregistré une baisse avoisinant les 50 % de la production. Victimes d'une conjoncture des plus défavorables, le poulet oranais peine à maintenir la cadence, déjà trop timide, des années passées. Les éleveurs affiliés à la Chambre de l'agriculture demandent aux pouvoirs publics de prendre des mesures afin de parer à « la chute vertigineuse du nombre d'aviculteurs dans la région. » Reconversion tous azimuts Cette profession très répandue durant les décennies 1980 et 1990, forte de quelque 3 600 membres en 1991, n'en compte aujourd'hui que 200, a indiqué le président de la Chambre de l'agriculture de la wilaya d'Oran. Les éleveurs veulent des facilités agricoles. L'aviculture s'expose, il est vrai, à une crise inédite. La Chambre d'agriculture se plaint en tout cas de « l'extension de l'abandon de la filière par l'ensemble des éleveurs volaillers. » Un fait qui, selon ce syndicat agricole, « n'a pas surpris les professionnels de l'aviculture à Oran, qui comptent désormais sur les repreneurs pour sortir de la crise l'aviculture dans ses deux filières « chair et ponte », qui fut pourtant bien développée dans les communes de Béthioua, Messerghine, Oued Tlélat et Es Sénia. L'onde des centaines de milliers de poulets morts l'été dernier, à cause de la canicule, a fait fuir beaucoup d'éleveurs », se souvient Abdallah, vétérinaire à Boutlélis. Mais la canicule n'est pas la seule responsable du désastre de l'aviculture qui ne cesse de régresser à Oran. Son abandon par de nombreux aviculteurs, qui sont nombreux à se diriger vers d'autres filières, est largement constaté par aussi bien les professionnels du secteur que les responsables de la direction des services agricoles. Cette dernière, qui a procédé en janvier dernier au renouvellement de ses instances dirigeantes, a inscrit « la re-dynamisation de cette filière agricole parmi ses premiers objectifs. » C'est ce que relève, en tout cas, un rapport signé par les professionnels affiliés à la Chambre d'agriculture. Des mesures urgentes Constat qui a motivé la tenue, fin février dernier, d'un premier regroupement qui s'est tracé comme objectif de « recréer les conditions favorables à la réorganisation des aviculteurs », comme le souligne si bien l'un de ses promoteurs qui impute au net recul de l'activité avicole « le coût élevé de production, l'instabilité du marché et les lourdes charges fiscales liées à cette activité. » Outre les campagnes de sensibilisation, qui tenteront de toucher les anciens aviculteurs ou ceux potentiellement intéressés par la reprise de ce créneau, la Chambre d'agriculture recommande des mesures frappées du sceau de l'urgence à même de redynamiser la filière. Outre la crise du système financier, la filière fait face aux maladies infectieuses, véritable fléau sanitaire et économique. La plus en vue est sans doute la salmonellose, une maladie « inévitable et dont la complexité à l'éradication rend plus difficile la tâche assignée aux thérapeutes. » Un analyste financier explique, pour sa part, cette crise par des « facteurs ayant défavorisé la politique d'internalisation des transactions qui développe toute la filière : alimentation du bétail, matériel génétique et produits de consommation (poulets et oeufs). » Pour notre interlocuteur, « les réformes économiques enclenchées à partir de 1987-88 et l'institutionnalisation de l'économie de marché ont fait ressortir des effets de bipolarisation sur les dysfonctionnements de la filière. » Notre analyste met en exergue « le comportement jugé trop passif des acteurs et leurs effets dans cette phase de transition à l'économie de marché, ainsi que les premiers impacts des réformes sur les filières. »