L'épisode de la grippe aviaire n'a fait que mettre à nu toutes les anomalies et insuffisances d'un marché qui, s'il n'est pas mis à niveau et régulé au plus vite, risque tout bonnement sa survie. Les professionnels de l'aviculture sont unanimes à dire que leur filière n'a jamais été en crise, voire menacée de disparition, comme elle l'est depuis quelques mois. Depuis que la grippe aviaire a commencé à se propager à travers le monde, faisant naître une sorte de «phobie des viandes blanches» chez les consommateurs. Pris de cours, les éleveurs, notamment les «petits», n'ont pas pu faire grand-chose, se contentant de constater les dégâts. Des dégâts estimés à 100 millions de dollars par les uns et entre 200 et 250 millions de dollars par d'autres. Pis encore, pas moins de 400 000 emplois risquent d'être tout simplement perdus si des mesures ne sont pas prises pour faire face à la situation, selon les représentants des aviculteurs. A dire vrai, la menace de la grippe aviaire n'a fait que mettre à nu la désorganisation d'une filière qui a bien des atouts à faire valoir pourtant. Depuis des années, en effet, l'aviculture est confrontée à une multitude de problèmes, dont le plus crucial et le plus important demeure incontestablement celui de la concurrence du marché informel. Il y a lieu de noter à ce propos que les éleveurs qui travaillent «au noir» sont tellement nombreux qu'ils régulent très souvent le marché à leur guise. Le manque de moyens est une autre difficulté qui handicape la professionnalisation du métier d'aviculteur et, par ricochet, la modernisation de la filière. Au jour d'aujourd'hui, l'on continue à utiliser les outils traditionnels dans le processus de production, ce qui ne garantit ni la qualité ni la quantité. Conséquence directe de cette situation : les coûts de revient, et par conséquent les prix de vente des viandes blanches à l'étalage, sont plus ou moins élevés. La filière avicole est d'autant plus menacée que les taxes douanières sur les produits agricoles disparaîtront progressivement dans les prochaines années, conformément à l'Accord d'association signé par notre pays avec l'Union européenne et sa prochaine adhésion à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Sachant que les viandes blanches produites localement ne sont pas du tout concurrentielles comparées à celles provenant du Brésil et de Thaïlande, il faudra s'attendre au pire : la disparition pure et simple du métier d'aviculteur dans notre pays. Ceci à moins que les professionnels et les pouvoirs publics ne décident de mettre la main dans la main pour sauver cette branche d'une mort certaine.