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Belaïd Abane: « La période « Abane » est la seule où le politique avait primé sur le militaire »
Publié dans El Watan le 14 - 12 - 2015

Dans quel état d'esprit avez-vous réalisé ce livre ?
Etat d'esprit dites-vous ? Bonne question car vous l'avez deviné le fil conducteur de mes livres, ABANE, ne m'est pas étranger. C'est effectivement un pari difficile et périlleux, d'autant plus que, même en situation impersonnelle et anodine, il n'est ni simple ni aisé de prendre la bonne distance du sujet. Effort de distanciation ou pas, c'est aux lecteurs d'en juger. Toujours est-il que c'est pour cela que j'ai élargi le champ de mes recherches en replaçant ABANE, sa vision, sa démarche dans le contexte de ces trente premiers mois de l'insurrection algérienne dont il fut alors, tous les historiens s'accorderont pour le reconnaître, le personnage central.
D'évidence il était pour moi plus aisé de traiter de l'homme, d'évoquer son action, son apport et le sens de son engagement, en le restituant dans cette tumultueuse lame de fond que fut le soulèvement algérien, face au gigantesque rouleau compresseur de « la pacification ». Cela a donné lieu à plusieurs livres. Celui dont vous venez d'achever la lecture et dont vous n'êtes pas sortie indemne m'aviez vous dit (un beau compliment pour un auteur) est le 3e d'une quadrilogie dont le 4e volume déjà achevé, consacré exclusivement à l'assassinat d'ABANE, paraîtra en fin d'année prochaine ou courant 2017.
Le premier, L'Algérie en guerre publié chez l'Harmattan en 2008 (réédité chez Casbah en 2011 sous le titre de Résistances algériennes, ABANE Ramdane et les fusils de la Rébellion) était consacré à la guerre de conquête et de compression subie par le peuple algérien et à sa résistance opiniâtre face à l'épreuve coloniale subie durant près de 80 ans. Il y est également question dès les débuts du XXe siècle de sa résistance silencieuse mais jamais résignée, et de la lutte des Algériens organisés en associations et en partis politiques dans le cadre de la légalité coloniale. Les massacres du 8 mai 1945 rendront vaines et illusoires les aspirations nationales algériennes revendiquées par la voie politique et pacifique. La dernière partie du livre, la plus importante, bien évidemment, est consacrée à la préparation de la lutte armée puis à la guerre de libération nationale déclenchée en 1954.
ABANE en est le fil conducteur à partir de mars 1955, puisqu'il fut au centre de l'organisation et de la politisation de la « rébellion » qui allait alors se transformer en véritable résistance nationale, en Révolution. Le second volume chronologique (Ben Bella Kafi Bennabi contre ABANE. Les raisons occultes de haine, Koukou 2012) est ce qu'on peut appeler un pamphlet. Il répond aux attaques ad hominem des contempteurs d'ABANE. Ce livre qui devait clôturer la quadrilogie a été sciemment publié plus tôt pour permettre éventuellement à MM Ben Bella et Kafi qui étaient alors en vie de répliquer.
Je ne voulais pas tomber dans la même facilité indigne d'attaquer quelqu'un qui n'est plus en mesure de se défendre. J'ai bien entendu renvoyé à ses propres turpitudes un Malek Bennabi dont le rôle a été insignifiant dans la Révolution. Je n'ai pas eu mauvaise conscience, le concernant, même s'il n'est plus de ce monde, étant donné que lui-même s'était attaqué gratuitement, perfidement, sans arguments et sans raisons apparentes à un homme, ABANE, qui n'était pas en possibilité de se défendre et qui a subi de surcroît l'atroce supplice d'un assassinat mafieux.

Pourquoi avez-vous écrit « Abane au cœur de la tempête »?
Il me plaît que vous ayez été interpellée par le titre qui a été mûrement réfléchi. Avec mon éditeur nous avons échangé pendant plusieurs jours pour arrêter un titre définitif. Finalement la métaphore météorologique a fini par s'imposer et emporter notre adhésion à tous les deux. D'abord les nuages sur la Révolution. Pourquoi ? Et bien tout simplement que la prise en mains de la Révolution par Abane et l'émergence de ce dernier comme le numéro 1 de fait a commencé à susciter des résistances et à contrarier des ambitions. Les différends vont commencer à se cristalliser notamment entre Krim et Abane et entre ce dernier et Ben Bella.
L'ascension d'Abane va également contrarier les calculs égyptiens qui lui préfèrent Ben Bella. Il y a le vent de révolte qui soufflera des Aurès opposés à la Soummam. Il y a également la confrontation avec les messalistes et la question des berbéristes liquidés au cours de la Révolution. Il y a enfin ce que j'ai appelé la traversée houleuse du système Boussouf. C'est cela les nuages qui vont assombrir le ciel de la Révolution et qui vont annoncer la tempête.
Pourquoi « Abane au cœur de la tempête » et non pas « Abane dans la tempête », tout simplement parce qu'il était partie prenante et même au centre des différends qui vont l'opposer à d'autres dirigeants et opposer le FLN à d'autres prétendants à la légitimité du combat national. De par sa ligne politique, son charisme et son caractère, il a été partie prenante à la tempête, en quelque sorte.

première de couverture de Abane au coeur de la tempête

Est-ce inévitable de mettre l'accent sur les nuages de la révolution : luttes intestines, course au pouvoir, rivalités, meurtres fratricides…pour raconter Abane Ramdane ?
Ce n'est pas seulement inévitable, c'est nécessaire pour comprendre les ressorts d'une révolution complexe. D'abord il est impératif de sortir du ronron habituel d'une histoire nationale angélique et idyllique. Il faut en finir avec la glorification béate, comme avec les récits d'un cinéaste comme Rachedi bloqué aux années 1970. Consacrer d'énormes budgets à glorifier des hommes, certes acteurs éminents de notre histoire récente, n'intéresse plus personne.
La preuve, ses deux derniers films ont été des bides parce que derrière ces films, ce n'est même pas de glorification qu'il s'agit mais d'autoglorification. Il est temps de subventionner de jeunes cinéastes talentueux et créatifs même s'il s'agit de parler de tel ou tel héros de notre Révolution. Concernant Abane, on ne peut pas traiter de sa fin tragique sans comprendre les mécanismes qui vont y mener en quasi droite ligne notamment ses rapports avec Krim et Boussouf. D'où les nuages comme je viens de vous l'expliciter.

Vous consacrez tout un chapitre « ni ange, ni démon » pour mettre en avant la personnalité d'Abane. Pourquoi ?
Tout simplement pour dire que c'est un homme dans toute sa complexité. Je réponds ainsi à ceux qui veulent le dépeindre comme un homme parfait, une icône à la blancheur immaculée. Je réponds également à ceux qui veulent en faire l'homme par qui tous les malheurs sont arrivés. D'autre part il ne m'est aisé à moi son parent proche de n'en parler qu'en termes élogieux même si ses qualités surpassent de très loin ses défauts. J'ai donc utilisé l'expression de la cosmogonie chinoise qui renvoie au yin et yang ou face lunaire et face solaire. Certains de mes lecteurs m'ont même reproché d'avoir été trop dur avec Abane. Il est vrai que parfois je force un peu sur la dose. Peut-être par souci de créer un peu plus de distance avec mon sujet.

Dans votre livre, nous avons rencontré Abane, l'homme et le militant, exigeant envers lui-même et envers les autres, rigoureux, tranchant, un tempérament fort et explosif …la tête pensante de la Révolution, le partisan de l'Algérie Algérienne…Pensez-vous que sa mémoire est aujourd'hui préservée ?
Non malheureusement. Quand ce n'est pas l'indifférence, ce sont des attaques de la part de certains dirigeants. Je dis bien certains car Abane jouit incontestablement d'un préjugé hautement positif dans l'opinion. C'est pour cela que s'agissant d'Abane, j'ai parlé d'un voyage interminable au bout de la mort. Il ne passe pas une année sans qu'il soit l'objet d'une attaque malveillante. Je ne parle pas des critiques sur ses choix politiques, la doctrine soummamienne qui porte sa marque, sa boulimie révolutionnaire…etc, lesquelles sont tout à fait normales et saines pour le débat politique et universitaire dans notre pays. Ce qui est inacceptable, ce sont les attaques ad hominem et les accusations sans preuves et qui ne reposent sur aucun fondement et dont les mobiles sont parfois des mauvais sentiments de type régionaliste. Je le dis et le répète, Abane aurait été originaire de Tlemcen, de Mostaganem, de Constantine ou d'Annaba, il aurait été porté au fronton de l'histoire nationale.

A la page 247 de votre livre, vous parlez du « manque de réalisme » d'Abane sur la question des armes que devaient fournir aux maquis les dirigeants du Caire, notamment Ben Bella. Dans quelle mesure et jusqu'à quel point Abane manquait de réalisme ?
J'ai évoqué effectivement un manque de réalisme de la part d'Abane lorsqu'il rappelle à Ben Bella et à Boudiaf qu'ils ne doivent s'occuper que de la tâche qui leur avait été impartie à savoir la prospection, l'achat et l'approvisionnement en armes en laissant les « contacts directs avec les dirigeants arabes » aux seuls Khider et Aït Ahmed qui siègent dans le comité de libération du Maghreb arabe présidé par Abdelkrim El Khettabi au Caire. J'ai souligné dans mon livre qu'une telle répartition des tâches manquait de réalisme même si elle procède de la rationalité et de la rigueur organisationnelle propres à l'esprit d'Abane.
Il était en effet peu réaliste de la part d'Abane de mettre la pression sur Ben Bella et Boudiaf pour trouver des armes et en même temps d'exiger d'eux de respecter une stricte répartition des tâches. J'ai rappelé également cet épisode des relations entre le Parti communiste Algérien (PCA) et le FLN dans lequel Abane exigeait des communistes de signaler au FLN la présence dans les maquis de tout militant communiste. Or il était impossible à la direction du PCA de recenser tous ses militants ayant choisi de leur propre chef de rejoindre les rangs nationalistes dans le FLN. C'était là aussi un manque de réalisme. Mais cela, c'était aussi Abane, c'est-à-dire la rationalité qui prime parfois sur la réalité. Or à l'épreuve des faits, la seule rationalité qui vaille est celle du réel.

Détaillez-nous un peu cette histoire de « ligne rouge » qu'Abane a osé franchir et qui lui a valu une « cohorte d'ennemis mortels »?
La période « Abane » dans la révolution est la seule au cours de laquelle le politique avait primé sur le militaire. C'est également la seule période où le pouvoir de façade détenait le pouvoir réel. Autrement dit le CCE désigné à la Soummam était le vrai pouvoir de la Révolution. En malmenant le colonel Boussouf lors de son périple à travers la wilaya V Abane avait montré ostensiblement que le pouvoir « institutionnel » était au dessus de tous, y compris des militaires. Cela, Boussouf, ni Boumediene ne purent l'accepter et lui en garderont une rancune mortelle. La ligne rouge est née véritablement à ce moment là. Depuis, Abane s'est mis à dos une alliance hétéroclite de colonels et de leurs clientèles militaires. C'est ce que j'ai appelé la cohorte d'ennemis mortels.
On sait également comment a fini Boudiaf qui a osé franchir cette même ligne rouge en décidant au bout de quelques mois à la tête du Haut Comité d'Etat (HCE), de créer un parti politique et d'organiser des élections présidentielles pour se porter candidat. En somme de rétablir la primauté du politique sur le militaire et d'incarner le pouvoir réel. Il est assassiné dans des conditions mystérieuses par un officier de sécurité chargé de sa protection. Aucun autre chef d'Etat n'osera franchir cette ligne rouge jusqu'à Abdelaziz Bouteflika. Après son élection en 1999, ce dernier avait déclaré de manière sibylline qu'on lui avait tracé une ligne rouge à ne pas franchir.
Aujourd'hui, c'est lui qui trace la ligne rouge qu'aucun général n'ose franchir, y compris le chef des services secrets omnipotent dans notre pays jusqu'à une date toute récente. On peut cependant se demander si cette évolution répond à une réelle volonté de transformation démocratique du régime et de nos mœurs politiques ou s'il ne s'agit pour le Président et son entourage que de protéger leur retraite pour l'après Bouteflika. Toujours est-il que nous assistons à une inversion totale et radicale de paradigme politique dans notre pays.

En quoi était-il nécessaire de s'attarder sur les rapports tumultueux d'Abane avec Krim et Boussouf, et des rapports bienveillants de Ben M'hidi avec Abane ?
Bien sûr qu'il était nécessaire de s'attarder sur les rapports conflictuels entre Abane d'une part et Krim et Boussouf d'autre part. J'ai voulu par là évoquer ces nuages qui obscurcissent le ciel de la Révolution et qui vont annoncer la tempête qui emportera Abane. Dans le prochain volume consacré à l'assassinat d'Abane, je reviendrais largement sur la mésentente entre Abane et les colonels. On ne pourra pas comprendre la mécanique du complot qui va broyer Abane si on ignore ces rapports tumultueux comme vous le soulignez. Il ne faut pas oublier que Krim et Boussouf sont des acteurs clefs du plan qui mènera à l'assassinat d'Abane.
Avec Ben M'hidi, c'est autre chose. D'abord les deux hommes se connaissaient dans le constantinois au cours de la période OSienne et s'appréciaient. Il y a également que Ben M'hidi était dans une posture plus politique que militaire et était de ce fait totalement solidaire d'Abane, pour de multiples raisons. Je ne soulignerai que les principales : une parfaite identité de vue sur la manière de diriger la Révolution, son indépendance vis-à-vis de la volonté de mainmise égyptienne, leur hostilité commune à Ben Bella… Ces rapports cordiaux voire amicaux et donc bienveillants comme vous le dites, ont beaucoup contribué au succès du congrès de la Soummam.


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