Si Sonatrach n'est pas affectée dans ce qu'elle a d'essentiel, son fonctionnement est néanmoins perturbé. Seules les affaires courantes sont expédiées. Personne ne veut se risquer à prendre des initiatives. Les partenaires étrangers peinent à obtenir la moindre information et ne savent, la plupart du temps, pas à qui s'adresser. Cela fait bientôt un mois que le top management de la puissante compagnie pétrolière nationale, Sonatrach, a été décimé. Ebranlée par un « séisme » de corruption sans précédent, suivi de répliques qui ont secoué jusqu'au sommet de l'Etat, la compagnie traverse ainsi une « zone de turbulences » qui rend son pilotage incertain. Ce que vient de subir « l'Etat-Sonatrach » n'est pas sans conséquence sur son fonctionnement. A l'intérieur même de l'entreprise comme dans ses rapports avec ses partenaires nationaux et étrangers, la situation évolue au ralenti, de l'aveu même des concernés et d'observateurs avertis. Selon un ancien cadre dirigeant de la compagnie, « le moral des troupes est au plus bas. Un climat de peur s'est installé parmi le personnel de l'entreprise ». Un état d'esprit qui risque de paralyser l'activité de la compagnie. Un ex-manager de Sonatrach assure : « Il faut dire que les responsables qui gèrent les affaires de Sonatrach vivent avec la peur au ventre. Depuis la décapitation du top management, personne ne veut prendre le risque de signer ou d'entreprendre une quelconque initiative. » Ce dernier souligne que « le management de l'entreprise est fait de sorte à terroriser les cadres ». Il va sans dire que la phase très instable que traverse l'entreprise risque de lui porter un coup dur. Un coût aussi ? Notre interlocuteur est catégorique : « Tous les contrats où plane le moindre doute sont suspendus. » La situation est d'autant plus inquiétante pour les partenaires de la compagnie. Pour cet ancien dirigeant de Sonatrach, « les partenaires étrangers n'arrivent pas à obtenir la moindre information. Pis, ils ne savent même pas à qui s'adresser. Personne ne répond aux nombreuses sollicitations des partenaires de la compagnie. Nous sommes en période de flottement ». Un point de vue conforté par un autre spécialiste de la maison Sonatrach. S'exprimant sous le sceau de l'anonymat, celui-ci affirme que « les étrangers n'arrivent pas à obtenir de rendez-vous, les avis d'appel d'offres sont reportés. Idem pour la prospection. Abdelhafidh Feghouli, qui assure l'intérim, se contente d'expédier les affaires courantes ». Cet état de fait n'est pas sans entamer l'image de marque de la compagnie. Pis, il fera perdre à l'entreprise des contrats faramineux si l'intérim devait perdurer. Certains vont même jusqu'à se demander : « qui gouverne le vaisseau Sonatrach ? » Il faut dire que depuis l'éclatement de ce scandale, certains pensent que ce n'est pas l'intérimaire qui se charge des dossiers lourds de la compagnie. « Tous les dossiers importants remontent au Premier ministre. Ouyahia s'en charge, on va vers plus de centralisation », croit savoir un spécialiste de l'entreprise. Alors, Sonatrach en « léthargie » ? Peut-être bien. Mais les rumeurs vont bon train sur la nomination d'un nouveau PDG. Va-t-on confirmer Abdelhafidh Feghouli dans ce poste ? Selon un connaisseur de Sonatrach, A. Feghouli « fera de son mieux pour arracher la confirmation. Il a déjà commencé à s'émanciper de son ministre. Le ton a été donné lorsque Feghouli a décidé, contre la volonté de Chakib Khelil, de retirer les avocats de Sonatrach et de laisser les incriminés à leur sort ». Le PDG par intérim, qui était directeur des études à l'Institut algérien du pétrole de Boumerdès (IAP) jusqu'en 1996, date à laquelle il a rejoint la compagnie pétrolière en tant que responsable du département stratégie et planification, peut compter sur la conjoncture actuelle pour être confirmé. « Il n'est pas facile de trouver quelqu'un qui accepte de diriger la compagnie dans un tel contexte », a estimé un ancien PDG de Sonatrach. Un élément qui n'échappe pas à M. Feghouli. A un niveau plus haut, la gestion récente de Sonatrach suscite nombre de remarques au plan politique. Un observateur attentif de la scène politique et économique fait observer le nouveau rôle du Premier ministre dans la gestion de cette affaire. « Le ministre de l'Energie est étouffé par un Premier ministre qui lui reprend tous ses pouvoirs et la direction de Sonatrach qui tente de prendre ses distances vis-à-vis du ministre », croit-il savoir. Chakib Khelil cartonne en matière « d'affaires » : BRC, la loi sur les hydrocarbures, les erreurs dans les choix stratégiques et le dernier scandale de corruption qui a ébranlé Sonatrach sont autant d'éléments qui provoqueraient sa chute. Dans cet embrouillamini où personne ne semble pouvoir donner d'orientation, le chef de l'Etat est fortement attendu. Certaines indiscrétions annoncent sa visite à Oran pour le 24 février prochain, qui coïncide avec la célébration du 39e anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures. Sa réponse sera-t-elle à la hauteur de cette symbolique ?