Animé par d'éminents spécialistes et experts internationaux, un colloque, organisé par l'IRIS et l'Union européenne mardi dernier, a abordé des questions telles que « le recrutement de terroristes dans des espaces européens déterminés », « la gestion du communautarisme comme fondement de la prévention du terrorisme », « la coopération au sein de l'Union européenne contre les diverses expressions du terrorisme ». Le colloque avait pour thème : « Un an après Madrid : l'Europe face au terrorisme ». Les experts ont relevé que « les entreprises terroristes sont des entreprises comme les autres, sur un marché concurrentiel, avec des problèmes de ressources humaines, des modes d'intégration horizontale et verticale, des offres promotionnelles. Elles ont aussi des problèmes de recrutement et de formation du personnel ». Sur le recrutement des terroristes, « on a tardivement étudié l'origine des acteurs terroristes, car elle était masquée par l'appareil de l'organisation terroriste elle-même. On sait que les terroristes ne sont pas des opprimés, ils appartiennent généralement à des classes favorisées. Mais aujourd'hui, on assiste à un changement de nature ». « Ce recrutement s'est élargi, on n'a plus besoin d'importer les terroristes, on peut en trouver en Europe, on arrivera même peut- être à les exporter », ont affirmé des spécialistes de terrain. La France « a très tôt compris le danger d'internationalisation et d'explosion de la menace islamiste radicale. L'affaire du gang de Roubaix en 1996 en a été un élément révélateur, car nous n'étions plus confrontés à des terroristes du GIA algérien. Il y avait désormais des Français de souche convertis à l'Islam radical et des immigrés maghrébins de la 2e génération, tous ayant été formés et étant allés combattre en Bosnie ou en Afghanistan ». Les liens mis en exergue avec des membres dans d'autres pays (Canada, Royaume-Uni, Etats-Unis...) ont permis très tôt à la France de « comprendre le développement de ce phénomène, sans pour autant qu'elle parvienne à convaincre ses alliés de l'urgence de l'action ». Il a été relevé que jusqu'au 11 septembre 2001, les services de renseignement avaient tendance à travailler isolément. Depuis, on assiste à une meilleure collaboration entre les différents services. « La coopération dans la lutte antiterroriste est un impératif catégorique. » Comment mettre en place une coopération dans le domaine du renseignement ? « Le renseignement ne se prête pas naturellement à la coopération. C'est une activité régalienne, secrète, parfois ambiguë sur le plan de la légalité, difficilement compatible avec traitement judiciaire et médiatique. » Quel degré de coopération ? « La coopération existe, notamment au moyen d'échanges d'analyses, réseaux d'alertes avec connexions permanentes entre services... Il existe aussi une division internationale du travail progressive (tel service en Europe est plus compétent sur tel sujet). La coopération internationale a explosé depuis 2001, la DGSE a près de 200 partenaires. » La lutte antiterroriste est nécessairement mondiale, pas seulement européenne. L'Europe a constitué un terrain pour le recrutement, la logistique et le financement des attentats du 11 septembre, la formation se déroulant au Soudan et en Afghanistan et encore même sur le sol américain. Parmi les moyens de lutter contre le terrorisme, les experts ont recommandé une attention particulière aux trafics de papiers d'identité, qui facilitent les déplacements de terroristes. Une base de données des documents de voyage volés a été créée en 2002 (6 millions de documents référencés actuellement). Aux Etats-Unis, ce sont plusieurs millions de faux permis de conduire qui circulent.