Photo : S. Zoheïr Par Nabila Belbachir Aucun lieu ni secteur n'est épargné par le phénomène du marché informel ! Les trottoirs, les ruelles, les passerelles, entre les immeubles, dans les cages d'escaliers, devant les hôpitaux et les mosquées, sont, entre autres, les lieux choisis, plutôt squattés, par les vendeurs illicites qui étalent leurs marchandises sur des tables, des estrades, voire à même le sol : «L'essentiel c'est de faire des affaires», disent-ils sans détour. De Bab Ezzouar à Bab El Oued en passant par Belcourt et Meissonier, les images et les scénarios sont les mêmes. Une véritable anarchie ! En effet, le désordre règne partout, dans la quasi-totalité des marchés algérois qui sont fréquentés tout au long de l'année par toutes les couches sociales. Tous types de marchandises sont disponibles dans ces espaces informels : produits alimentaires, appareils électroménagers, articles scolaires, produits cosmétiques, pièces détachées automobiles… On peut même trouver des médicaments. Côté «affaires», ces marchés sont devenus des places incontournables du business et des relations commerciales. Grossistes, détaillants et consommateurs s'y rencontrent. Et tout le monde y trouve son compte…Un large choix est proposé à des prix défiant toute concurrence. «La situation est vraiment horrible !», s'exclamait un chef d'entreprise dont les produits sont concurrencés, de la manière la plus illégale, par ce marché parallèle. La réalité de la situation de ce type du commerce est alarmante. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Il existe 450 marchés informels à travers le territoire national avec plus de 90 000 intervenants, soit 60%, et plus de 5 000 commerçants y exerçant. Plus de 10 000 registres du commerce ont été retirés et plus de 20 000 artisans ont fermé boutique à cause de la concurrence du commerce informel. La capitale compte, à elle seule, plus de 78 marchés informels. Face à ce phénomène qui empoisonne l'activité commerciale en Algérie, les commerçants, premiers concernés, les responsables et les médias n'ont cessé de tirer la sonnette d'alarme, à maintes reprises. Quelles sont les causes réelles de ce fléau ? A cette question, les parties concernées par le marché informel répondent que la hausse des impôts, qui décourage les investisseurs, a freiné l'investissement. «Le marché parallèle représente actuellement 60% de l'économie nationale, une activité favorisée par la hausse des impôts qui entraîne à son tour un recul de l'investissement. Cette hausse crée des obstacles aux investisseurs. Ces impôts font perdre plus de 50% des recettes fiscales au Trésor public et encouragent le marché informel et la fraude fiscale», nous a précisé Hadj Tahar Boulanouar, le chargé de communication de l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA). A l'échelle macroéconomique, les experts adoptent le même langage : le marché informel gangrène l'économie nationale et ce, malgré les dispositifs mis en place par les autorités concernées. Quelles sont, dans ce cas, les solutions appropriées ? La direction du commerce de la wilaya d'Alger opte, à cet effet, pour le choix des marchés couverts et de proximité. Pour ce faire, une enveloppe de 280 millions de dinars a été dégagée pour l'année 2008. Cette démarche s'inscrit dans le cadre de l'éradication graduelle du marché informel, qui concerne, en premier lieu la capitale comme ville-pilote. L'opération sera prochainement élargie à d'autres wilayas, notamment Blida et Oran. L'éradication va actuellement bon train. Des marchés informels bien connus à Alger ont simplement disparu. A titre indicatif, on peut citer celui du marché ex-Meissonnier, situé au centre d'Alger, qui a été éradiqué. Les responsables de la commune de Sidi M'hamed, après un dur travail de surveillance et d'orientation, ont eu gain de cause. «Après une enquête qui a duré plus d'un an, 150 jeunes de la commune, vivant dans une situation lamentable, ont bénéficié d'un étal au marché parisien Negazi, dans un des quartiers de Meissonnier, et ce, grâce aux efforts consentis par plusieurs services. Ce qui nous a permis d'avoir un petit terrain sur lequel nous avons construit ce marché parisien», nous a expliqué le secrétaire général de la commune de Sidi M'hamed. «On ne peut pas jeter ces jeunes à la rue. On doit les récupérer d'une manière ou d'une autre», ajoutera-t-il. L'essentiel pour ce responsable est l'éradication totale dudit marché. «Nous comptons poursuivre notre lutte contre l'informel avec de nouvelles méthodes et stratégies. En passant aujourd'hui par Meissonnier on ne trouve que des vendeurs à la sauvette, pourchassés sans cesse par les agents de la Sûreté nationale», ajoutera-t-il. A ce propos, le porte-parole de l'UGCAA a préconisé la création de 15 fédérations, pour la prise en charge de chaque activité commerciale, qui sont au nombre de 5 000. Ce projet a pour objectif, selon M. Boulanouar, «la facilitation du contrôle des marchés». Cependant, les pouvoirs publics, ainsi que les parties concernées par ce phénomène, ne doivent pas rester au stade de l'intention et des vœux pieux. Car, il y va de l'économie algérienne.