Pour la rentrée universitaire 2016/2017, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique affiche son ambition de lutter contre la malhonnêteté intellectuelle. Le 18 septembre, le ministre de l'Enseignement supérieur, Tahar Hadjar, animera le cours inaugural de la rentrée sur la thématique de la lutte contre le plagiat. La conférence, qui se tiendra à l'université de Biskra, sera retransmise en direct et en streaming dans toutes les universités du pays. Sans donner un blanc-seing à l'action, notons toutefois, le progrès en termes de communication institutionnelle, qui ne s'articule plus sur les harassants chiffres de disponibilité des places pédagogiques et des repas à distribuer aux étudiants, mais sur une problématique qui mine l'Université, en particulier, et la société en général. Comme pour toute valeur sociale, la quantification de l'ampleur et des conséquences de la malhonnêteté intellectuelle dans les établissements du supérieur est très difficile à établir. Même si un grand nombre d'acteurs et d'observateurs n'ont eu de cesse de dénoncer des pratiques indignes du monde universitaire, l'absence d'études académiques empêche d'avoir une idée exhaustive sur le phénomène. Toutefois, le manque de confiance affiché par la société et le secteur socioéconomique à l'égard des diplômés du supérieur est un signe révélateur. «Il y a actuellement, dans tous les établissements universitaires, un système de triche systématisé et cela est carrément intégré dans la formation des étudiants d'une manière vicieuse», assène Abderrezak Dourari, professeur des sciences du langage à l'université Alger 2. Le directeur du Centre national pédagogique de l'enseignement de tamazight va encore plus loin, en dénonçant une volonté délibérée de causer l'effondrement de l'Etat. «Les gens ne font plus confiance aux diplômés. Ils savent que des diplômes de complaisance sont distribués. Lorsque des médecins, des avocats et des juges trichent pour obtenir leurs diplômes, c'est l'Etat tout entier qui risque de s'effondrer par manque de compétences», dénonce-t-il. Ainsi, le constat établi par le professeur Dourari et partagé par nombre d'universitaires est affligeant. De son côté, le directeur général des enseignements et de la formation supérieure, sans minimiser le fléau, tente toutefois de relativiser. «Nous avons tous noté des cas flagrants et avérés de plagiat qui ont défrayé la chronique. Mais, il y a eu très peu de délits constatés réellement», assure Noureddine Ghouali. «Mais, le plagiat est un drame. C'est tellement grave comme faute, qu'un seul cas suffirait pour motiver une telle réglementation», insiste-t-il pour motiver la promulgation de l'arrêté n°933 du 28 juillet 2016 fixant les règles relatives à la prévention et la lutte contre le plagiat. Brassant large dans l'éventail de la malhonnêteté, l'article 3 dudit texte définit en détail les différentes formes du vol scientifique. «Au sens du présent arrêté, il est entendu par plagiat, tout travail établi par l'étudiant, l'enseignant chercheur, l'enseignant chercheur hospitalo-universitaire, le chercheur permanent ou quiconque participe à un acte de falsification de résultats ou de fraude revendiqués dans les travaux scientifiques ou dans n'importe quelle autre publication scientifique ou pédagogique», y est-il stipulé. Dans le même article, 13 actes considérés comme différentes formes de plagiats sont répertoriés, tels : la citation ou la formulation totales ou partielles d'idées ou d'information, de données, d'arguments ou autres sans la mention des sources ; la traduction complète ou partielle sans la mention du traducteur et de sa source ; l'inscription par l'enseignant chercheur ou toute autre personne de son nom dans un travail de recherche ou dans un autre travail scientifique sans participer à son élaboration ; confier par l'enseignant chercheur ou toute autre personne la réalisation de travaux scientifiques à des étudiants ou à d'autres personnes pour les adopter dans un projet de recherche ou la réalisation d'un ouvrage scientifique, d'une publication pédagogique ou d'un rapport scientifique ; l'utilisation par l'enseignant chercheur des travaux des étudiants et leurs mémoires comme communication lors de séminaires ou pour la publication d'articles scientifiques ou encore porter les noms d'experts en qualité de membres de comités scientifiques de séminaires nationaux et internationaux ou des comités scientifiques des revues périodiques sans leur avis et leur engagement écrit et sans leur participation effective aux travaux de ses comité. L'arrêté, désormais texte de référence de lutte contre le plagiat, oblige par ailleurs les établissements universitaires à mener des opérations de sensibilisation ainsi que l'institution de bases de données numérisées de tous les travaux scientifiques et des mémoires de fin d'études. Il est aussi institué l'obligation de créer au niveau de chaque établissement un conseil d'éthique et de déontologie de la profession universitaire constitué de 10 membres de différentes disciplines choisis d'après leur intégrité scientifique, le cursus académique et scientifique et le grade. Le conseil en question aura pour principale mission «l'examen de toute saisine d'acte de plagiat et de procéder à toute enquête nécessaire». Pour ce qui est de la dénonciation de tout acte de plagiat, l'article 16 ouvre droit à toute personne de notifier cette malhonnête au «responsable de l'unité d'enseignement et de recherche par le biais d'un rapport écrit et détaillé accompagné de documents justificatifs et des preuves concrètes». S'agissant des sanctions prévues par le texte de loi, les tricheurs risqueront l'annulation de la soutenance ou le retrait du titre acquis pour les étudiants et le retrait du titre ou de la publication pour les enseignants chercheurs. A la faveur de l'arrêté 933, l'on constate déjà la prise de conscience des rédacteurs de l'ampleur et des diverses formes qu'à prises la malhonnêteté intellectuelle dans les établissements du supérieur. Le ministère de l'Enseignement supérieur, qui prend apparemment l'engagement de lutter contre ce fléau,semble connaître tous les vices du secteur et engage plusieurs actions de sensibilisation à tous les niveaux. Mais cela pourra-t-il suffire ? «On est passés maîtres dans les coups de communications juste pour dire qu'on lutte contre un phénomène. Une telle décision (lutte contre le plagiat) ne devrait pas relever du ministère (de l'Enseignement supérieur) mais de l'Université elle-même. Si les responsables des universités : recteurs, doyens, chefs de département et autres n'arrivent pas à imposer une certaine honnêteté intellectuelle dans leur établissement, c'est que toute la chaîne de commandement est «out» et incompétente», juge le professeur Dourari. Pour ce dernier, lutter contre la malhonnêteté intellectuelle devrait commencer par le bon choix de la chaîne de commandement des établissements universitaires. «(la malhonnêteté) est d'abord due aux règles de nomination du commandement de l'université. La mise en place des recteurs, doyens, chefs de département et autres n'obéit pas aux critères de compétence et d'honnêteté. C'est même inversement proportionnel et le recteur n'est pas le meilleur élément de l'université, loin de là. Pour être nommé, il faut marcher dans les basses combines et sur les décombres de l'Etat. Il faut savoir aussi distribuer des notes et des diplômes de complaisance», dénonce-t-il.