Le pays du Cèdre était sans Président depuis mai 2014. Hier, le Parlement libanais a élu l'ex-général chrétien Michel Aoun comme président. L'homme, âgé de 81 ans, a été élu par 83 des 127 députés présents, a annoncé le président de la Chambre des députés, Nabih Berri. 36 ont voté blanc tandis que 8 bulletins étaient déclarés nuls. Michel Aoun a été élu au second tour après n'avoir pas réussi à obtenir les deux tiers des voix au premier. Le nouveau Président a prêté serment avant de rejoindre pour un mandant de six ans non renouvelable le palais présidentiel de Baabda, d'où il avait été chassé il y a 26 ans par l'armée syrienne. Il devient le troisième général à accéder à la magistrature suprême. Michel Aoun est maronite, comme se doit de l'être tout Président du Liban. Né à Haret Hreik, une banlieue populaire au sud de Beyrouth, cet ancien militaire de carrière a gravi tous les échelons de l'armée jusqu'à en devenir le chef. Il avait été nommé en 1988, conformément à la Constitution, à la tête d'un gouvernement militaire par le président Amin Gemayel qui achevait son mandat sans successeur. Au lieu d'exécuter sa tâche qui était d'assurer l'élection d'un nouveau chef de l'Etat, il déclare ce qu'il avait appelé «la guerre de libération contre la Syrie», toujours présente en force au Liban, et tente de désarmer la milice chrétienne des Forces libanaises (FL) dirigée par Samir Geagea. Après des affrontements meurtriers avec les FL et son échec face aux forces de Damas, Michel Aoun quitte en catastrophe, le 13 octobre 1990, le palais de Baabda où il s'était retranché pour se réfugier à l'ambassade de France. Il est exfiltré par la suite vers Paris où il passera quinze années en exil et fondera son mouvement, le Courant patriotique libre, résolument hostile à la Syrie. Accord entre frères ennemis L'assassinat de Rafik Hariri et les manifestations qui s'ensuivirent aboutissent au retrait total des troupes syriennes du Liban le 27 avril 2005 et lui ouvrent à nouveau la porte du pays. Son retour à Beyrouth est consolidé par la conquête, par son parti, de 21 sièges sur les 128 du Parlement. Désireux de fouler à nouveau la moquette du palais de Baabda, il opte pour toute alliance pouvant l'y mener. C'est ainsi qu'il conclut, en février 2006, un accord avec le Hezbollah, allié de son ancien ennemi juré Bachar Al Assad. Ce choix le place aujourd'hui dans le camp des partisans de la Syrie. Un pays que soutient l'Iran. La preuve, Téhéran a rapidement salué son élection. «La République islamique d'Iran félicite le peuple libanais et les différents groupes politiques de ce pays», a déclaré Bahram Ghassemi, le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, selon la même source. «Il s'agit d'un pas important pour enraciner la démocratie et assurer la stabilité du Liban», a déclaré M. Ghassemi, pour qui cette élection est le symbole «de la coexistence des différentes religions». Il faut savoir que l'élection d'hier est le fruit d'un laborieux compromis entre les principales factions politiques, habituellement promptes à s'affronter sur tous les dossiers. Un accord a dû être passé entre le parti de Michel Aoun, le Courant patriotique libre (CPL) et celui de Saad Hariri, le Courant du futur, pour que la situation se débloque. Bien évidement, il a fallu aussi que le Hezbollah «bénisse» cette alliance. Sans cela, rien n'aurait été possible. Cette élection intervient, faut-il le rappeler, dans un contexte de blocage des institutions publiques et de paralysie économique à cause d'un malaise politique généralisé. Les autorités, minées par la corruption, s'avèrent également incapables d'offrir à la population les services de base comme le ramassage des ordures, la distribution d'électricité et d'eau potable. Même si ses pouvoirs sont constitutionnellement limités, le défi de Michel Aoun sera certainement de contribuer à remettre le Liban en marche. Ce sera déjà beaucoup, le reste ne dépendant pas de lui.