En tant que documentariste, elle est l'auteure de Les métiers de la proximité (2002), Migrants en Europe (2004), Lettres à ma sœur (2006), Les faiseurs de l'ordinaire (2009). Elle est par ailleurs fondatrice de l'association Cinéma & Mémoire, et elle a été un des artisans des Rencontres cinématographiques de Béjaïa. Mais cette femme manie aussi le verbe et surtout celui de la poésie. Elle a ainsi publié en 2003 un recueil intitulé Outre-mort (Ed. El Ghazali, Alger) dont l'inspiration prend principalement sa source dans la mémoire de sa sœur, Nabila, assassinée par les terroristes à Tizi Ouzou le 15 février 1995. La défunte était architecte et militante active de la société civile. Elle présidait l'association féminine «Thighri n'tmatuth» (Cri de femmes). Aujourd'hui, le peintre Denis Martinez présentera à partir de 15h30 à la Galerie Sirius (139, Bd. Krim Belkacem, Télemly, Alger) une performance artistique et littéraire sous la forme d'une œuvre graphique spécialement créée sur un texte de Habiba Djahnine intitulé «La peur en héritage». Ce poème fait partie d'un projet littéraire plus global de l'auteure sur le thème de la reconstruction. L'an dernier, en octobre 2015, nos confrères d'El Watan Week-end en avaient publié quelques bonnes feuilles. Les accents tragiques et la violente mélancolie qui le parcourent peuvent laisser penser à une ode au désespoir. Il n'en est rien, comme peut le montrer cet extrait : «Mais dans cet abîme sans repère/ Il y a encore le récit de l'impossible à construire/ Il y a encore la scénographie de la parole tue à laisser naître/ Oui ! Tenter les impossibles mots/ Mots qui disent l'indicible, citent, témoignent/ Et cela au risque de se tromper/ Au risque de faire et de refaire l'exercice de l'impossible/ Le fait de l'impossible récit rend le récit possible/ Il nous éloignera de ce point fixe que nous connaissons tant». Comment Denis Martinez a-t-il mis en scène ces mots, lui qui affectionne les performances, cet exercice artistique contemporain difficile à concevoir et à exécuter ? Nous le saurons sur place, mais on peut être sûr qu'il ne se contentera pas d'une simple lecture devant des œuvres, habitué qu'il est à rechercher des combinaisons multiples avec la musique populaire algérienne et particulièrement le gnawa qui le fascine. En cela, il demeure encore attaché au mouvement Aouchem dont il fut en 1967 un des fondateurs et animateurs principaux. En accueillant ce genre d'initiatives, la galerie Sirius prend le risque de promouvoir des activités artistiques originales. Et c'est tant mieux. Les arts plastiques algériens n'ont sans doute pas assez exploré les sources d'inspiration qu'offrent le patrimoine oral et la littérature. De multiples interactions pourraient naître d'une telle démarche.