L'ONU suit de manière assez particulière le retrait de l'armée syrienne du Liban, un départ au demeurant total et complet comme l'ont affirmé de très nombreuses sources concordantes. C'est en tout cas, l'application de la fameuse résolution 1559 stipulant le retrait des forces étrangères, mais aussi le désarmement des groupes armés, une allusion directe au Hezbollah libanais et aux mouvements de la résistance palestinienne chargés de sécuriser les camps de réfugiés implantés au Liban. Deux questions différentes, il est vrai. Si la première a suscité la totale adhésion, la seconde pose problème, et les Libanais, surtout en ce qui concerne le Hezbollah, préfèrent temporiser et régler eux-mêmes cette question que la moindre maladresse transformerait en source de conflit. Concernant le premier point, l'équipe de l'ONU, chargée de vérifier le retrait des troupes syriennes du Liban, est « satisfaite » de sa mission jusqu'à présent, a déclaré hier son chef, le général sénégalais Elhadji Mouhamadou Kanji. « Je peux vous assurer que nous n'avons pas rencontré un seul soldat syrien. Je suis satisfait », a-t-il affirmé devant la base militaire de Rayak (Békaa), évacuée le 26 avril par les troupes de Damas. « On restera le temps qu'il faudra », a-t-il encore dit. « Il nous faudra plus d'une semaine » pour terminer le travail de vérification, a pour sa part indiqué le commandant finlandais Kari Olavi Makinen. Et d'ajouter : « Si nous ne sommes pas satisfaits, nous reviendrons » au Liban. L'officier finlandais a précisé que l'équipe de l'ONU, arrivée jeudi dernier à Beyrouth, a déjà vérifié les positions syriennes évacuées à Tripoli (Liban-Nord), dans le nord du Liban et la région de Beyrouth. L'équipe de l'ONU, accompagnée d'officiers de l'armée libanaise, était au troisième jour de sa mission dans la plaine de la Békaâ, frontalière de la Syrie. Elle s'est rendue mardi à Baâlbeck. L'équipe ne s'est pas déplacée aux campements des troupes syriennes installés aux abords de villages libanais frontaliers. Ces troupes se trouvent en territoire syrien, a indiqué mardi soir une source officielle libanaise, citant les « résultats préliminaires de l'enquête des services concernés ». Cette question devait être évoquée hier par le Premier ministre libanais Nagib Miqati qui effectue sa première visite officielle en Syrie depuis le retrait officiel le 26 avril des troupes de Damas du Liban. L'équipe de l'ONU doit soumettre son rapport dans la semaine au secrétaire général de l'organisation Kofi Annan. Ce dernier avait indiqué dans son rapport du 26 avril sur l'application de la résolution 1559, qui demande le retrait des soldats syriens du Liban, avoir reçu des assurances du Liban et de la Syrie que Damas avait retiré tous ses services de renseignements et ses soldats, mais qu'il attendrait le résultat des équipes techniques sur le terrain. Quelles relations ? C'est peut-être la première fois qu'une telle question est abordée publiquement, mais il fallait qu'elle le soit un jour, et c'est peut-être là le signe d'une évolution majeure dans le comportement de Damas vis-à-vis de son voisin. Il s'agit de la relation entre les deux pays, plus précisément de sa nature. C'est ce que vient de faire le Premier ministre syrien Mohamed Naji Otri qui a déclaré hier que la Syrie et le Liban n'ont pas de relations diplomatiques parce que Beyrouth n'en veut pas. C'est bien la première fois que Damas en parle ainsi alors qu'il était au contraire accusé de nourrir toutes sortes de convoitises au nom du passé bien entendu. Interrogé par le quotidien espagnol sur l'absence d'ambassades entre les deux pays, ce qui illustre pour certains Libanais les ambitions syriennes sur le Liban, le Premier ministre a répondu : « Le problème, c'est que les Libanais n'en veulent pas. Ils l'ont refusé depuis l'indépendance. » « Toutefois, s'ils le réclamaient, nous ne nous déroberons pas, car la Syrie n'a aucune ambition d'aucun ordre au Liban », a-t-il ajouté. Le chef du gouvernement syrien a d'autre part affirmé que les Libanais détenus depuis des années en Syrie « sont des terroristes ». « Il s'agit d'une question vieille de 25 à 30 ans, pendant la guerre civile » libanaise, a-t-il dit. Il a assuré que ces Libanais étaient des membres de l'Armée du Sud du Liban commandée à l'époque par le général libanais Lahad et collaborant avec l'armée israélienne qui occupait alors cette région. « Ces personnes combattaient avec Israël et ont tué des soldats syriens. Elles ont évidemment été condamnées, comme les terroristes en Espagne ou dans d'autres pays », a indiqué M.Otri. Le chef du gouvernement syrien n'a pas voulu préciser le nombre de ces Libanais détenus en Syrie, indiquant seulement qu'« ils ne sont pas plus nombreux que les terroristes actuellement détenus à Madrid ». Selon les ONG, 440 Libanais sont portés disparus ou détenus en Syrie depuis des années. Le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, a été saisi de cette question le mois dernier par des proches des disparus. Est-ce là l'effet insoupçonné de la résolution 1559, puisque des questions, jusque-là jamais abordées de cette manière, le sont avec des réponses qui sont autant d'éléments du débat qui aurait dû avoir lieu depuis bien longtemps ? Le changement est indéniable.