«Ensuite, ce sera Minbej», a-t-il ajouté, une autre ville syrienne sous contrôle kurde, située plus à l'est. «Plus tard, étape par étape, nous débarrasserons notre pays jusqu'à la frontière irakienne de cette croûte de terreur qui essaye de nous assiéger», a-t-il indiqué. Un peu plus tard dans la journée, l'armée turque a confirmé avoir lancé une offensive terrestre et aérienne dans le nord de la Syrie contre une milice kurde baptisée «Rameau d'olivier». L'opération, qui vise les Unités de protection du peuple (YPG), serait menée, selon l'armée turque, «en respectant l'intégrité territoriale de la Syrie» et est fondée sur les droits de la Turquie en vertu du droit international. L'armée turque a effectué, vendredi et hier, des frappes contre des positions des YPG en Syrie et a massé des centaines de soldats et des dizaines de blindés le long de la frontière. Ankara accuse les YPG d'être la branche syrienne du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui mène une rébellion dans le sud-est de la Turquie depuis 1984 et est considéré par Ankara et ses alliés occidentaux comme une organisation terroriste. Mais les YPG ont aussi été un allié important des Etats-Unis, partenaires de la Turquie au sein de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (Otan), dans la guerre contre le groupe Etat islamique (EI). Elles ont joué un rôle majeur dans l'éviction des djihadistes de tous leurs principaux fiefs de Syrie. Comme elles entretiennent de bonnes relations avec la Russie, présente militairement en Syrie. De son côté, le ministre adjoint des Affaires étrangères syrien, Fayçal Mekdad, a affirmé jeudi que l'aviation syrienne abattrait tout appareil militaire turc s'aventurant dans son espace aérien. Le même jour, le chef de l'armée turque, le général Hulusi Akar, et celui des services de renseignement Hakan Fridan, se sont rendus à Moscou jeudi pour des entretiens. De son côté, la Russie s'est déclarée hier «préoccupée» et a appelé à la «retenue», après l'annonce par la Turquie de son offensive terrestre et aérienne. Le 20 janvier, la Turquie a eu recours à ses forces armées près d'Afrine, dans le nord-ouest de la Syrie (…) Inquiétude de Moscou «Moscou est préoccupé par ces informations», a déclaré le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué, en précisant «suivre attentivement le développement de la situation». «La Russie reste fidèle à sa position concernant la recherche des issues (au conflit) en Syrie, se basant sur le maintien de l'intégrité territoriale et le respect de la souveraineté de ce pays», rappelle le communiqué. «Nous appelons les parties opposées à faire preuve de retenue.» Après le retrait partiel, en décembre, des troupes russes du territoire syrien, où la Russie intervient militairement depuis septembre 2015, «l'objectif principal des militaires russes qui restent dans le pays est d'assurer le respect de la trêve dans les zones de désescalade», ajoute le communiqué. Un peu plus tôt dans la journée, le représentant spécial du président russe pour le règlement syrien, Alexandre Lavrentiev, a déclaré que le Congrès du dialogue national syrien à Sotchi, dans le sud-ouest de la Russie, aura lieu le 30 janvier. Parrainé par la Russie, la Turquie et l'Iran, ce congrès visant à réunir l'opposition syrienne et le régime de Damas dans cette station balnéaire russe sur les rives de la mer Noire, était initialement prévu pour deux jours, les 29 et 30 janvier. «Le 29, les participants vont arriver (…) et le congrès lui-même aura lieu le 30 janvier», a déclaré A. Lavrentiev, cité par l'agence de presse Interfax, à l'issue d'une rencontre préparatoire à Sotchi entre des responsables russes, iraniens et turcs. Lors de cette rencontre, «nous avons réussi à nous mettre d'accord sur la liste des participants», a-t-il observé tout en précisant qu'il fallait encore «un ou deux jours» pour harmoniser les derniers détails. «Après cela, les invitations seront envoyées aux participants au congrès», a expliqué A. Lavrentiev. La Russie et l'Iran, alliés de Damas, et la Turquie, soutien des rebelles syriens, ont proposé fin décembre, à l'issue de pourparlers de paix sur la Syrie à Astana, la capitale kazakhe, de réunir le régime syrien et les rebelles fin janvier à Sotchi pour avancer vers un règlement politique. Environ 1500 personnes, y compris «des chefs de tribus et des représentants de la société civile» syrienne, doivent être invitées à ce congrès, a indiqué vendredi le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, lors d'une conférence de presse à New York. Le pouvoir du président syrien, Bachar Al Assad, appuyé par l'armée russe, a repris l'avantage sur le terrain des combats. Mais la perspective d'un règlement politique est à l'agonie. Le dernier round des pourparlers de paix à Genève, organisé par les Nations unies, s'est soldé par un nouvel échec en décembre. La Russie espère que l'émissaire de l' Organisation des Nations unies (ONU) pour la Syrie, Staffan de Mistura, assistera à l'ouverture du congrès à Sotchi et s'attend à ce que les Etats-Unis «en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU» y participent comme observateurs, selon A. Lavrentiev. Tension avec Washington Mardi, le président turc a promis d'en finir avec les «nids de terroristes» dans les régions du nord de la Syrie contrôlées par des groupes kurdes. «Demain, le jour suivant, d'ici peu de temps, nous nous débarrasserons un par un des nids des terroristes en Syrie, à commencer par Minbej et Afrine», a déclaré le président Erdogan lors d'un discours devant les députés de son parti à Ankara. Interrogé sur une éventuelle collaboration de l'armée turque avec les rebelles syriens pour une telle opération, le président turc a répondu par l'affirmative, sans donner plus de détails. Il a également appelé mardi l'Otan à prendre position sur cette question. La veille, il a menacé de lancer une opération visant à «tuer dans l'œuf» une force que Washington souhaite constituer en Syrie avec notamment des combattants kurdes. L'annonce de la création prochaine de cette force de 30 000 combattants dans le nord de la Syrie a provoqué un regain de tension entre les Etats-Unis et la Turquie, qui craint de voir les milices kurdes syriennes s'implanter durablement à sa frontière. «L'Amérique a avoué qu'elle était en train de constituer une armée terroriste à notre frontière. Ce qui nous revient, à nous autres, c'est de tuer dans l'oeuf cette armée terroriste», a déclaré Erdogan lors d'un discours à Ankara. «Nous ne pensons pas qu'une opération militaire (…) aille dans le sens de la stabilité régionale, de la stabilité de la Syrie, ou de l'apaisement des craintes de la Turquie pour la sécurité de sa frontière», a averti vendredi un haut responsable du Département d'Etat. La coalition emmenée par les Etats-Unis pour lutter contre l'EI a annoncé dimanche dernier la création de cette «Force de sécurité frontalière» pour «empêcher la résurgence» des djihadistes. La force frontalière, qui se constituera «au cours des prochaines années», selon la coalition, sera composée pour moitié par des membres des Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance de combattants kurdes et arabes, le reste des effectifs seront de nouvelles recrues. Ces forces sont dominées par les éléments du YPG. La Turquie a déjà lancé une offensive dans le nord de la Syrie en août 2016 pour repousser, vers le sud, les djihadistes de l'EI, mais également pour contrer l'expansion territoriale des milices kurdes.