La disparition du quotidien le Matin et l'emprisonnement de son directeur, Mohamed Benchicou, ont été sans doute les deux événements qui avaient sonné le glas de l'espoir de la liberté d'expression. Ce journal, qui avait pourtant soutenu les tendances lourdes du régime lors de l'arrêt du processus électoral et la lutte contre le terrorisme, a fini par subir les foudres du pouvoir de Bouteflika. Fondé en 1991 suite à une scission du journal Alger républicain, le Matin a su se faire rapidement une place dans le nouveau paysage médiatique naissant. L'Algérie est plongée dans une violence au lendemain de l'arrêt des élections législatives de 1991, la société est scindée, bon gré mal gré, en deux camps. Eradicateurs contre réconciliateurs. Le Matin, ayant choisi le premier camp pour lequel il se faisait passer pour la voix médiatique. Les figures de l'opposition sont souvent traînées dans la boue… Le terrorisme a atteint son paroxysme et les journalistes sont devenus une cible privilégiée des groupes armés. Le Matin a vu trois de ses journalistes assassinés. Le célèbre chroniqueur, Saïd Mekbel, le 3 décembre 1994. Puis Ameur Ouagueni et Saïd Tazrout durant l'année 1995. Le journal ne recule pas. Usant d'un ton corrosif, ce quotidien s'est illustré par son impertinence et son courage dans le traitement des différents dossiers. Avec l'avènement de Bouteflika, en 1999, le journal de Benchicou en a fait son sujet de prédilection. Régulièrement, le chef de l'Etat et ses proches sont « descendus » dans ses colonnes. La publication du livre Bouteflika, une imposture algérienne, par le directeur du journal, Mohamed Benchicou, a été pour le chef de l'Etat « une ligne à ne pas franchir ». On sort la grande artillerie. Le livre saisi s'ensuivit d'une cabale judiciaire contre l'auteur du livre. Poursuivi en justice pour une histoire de bons de caisse, Benchicou est condamné le 14 juin 2004 à deux ans de prison ferme. Un mois après, son journal est suspendu par les autorités. Une décision qui a suscité l'indignation de l'opinion mais également une mobilisation importante. Ceux qui étaient attaqués par le Matin, dix ans plus tôt, se sont ainsi retrouvés en première ligne de la défense du journal et de son directeur incarcéré. Après avoir purgé sa peine, Benchicou a tenté vainement de relancer son journal. Le Matin aura vécu.