L'Algérie de l'espérance a encore marché hier. Formidablement. On aura constaté par-delà d'une dignité retrouvée, brimée et étouffée depuis longtemps, de grands sentiments d'appartenance collective que le pouvoir n'a eu de cesse de neutraliser, de diviser en louvoyant, manœuvrant et rusant à travers un «système» liberticide, hostile à tout mouvement, hostile à la vie. Le mouvement associatif, notamment, a été vilipendé, interdit depuis au moins deux décennies. A moins qu'il ne rentre dans les rangs et rejoigne la maison d'obéissance autour de regroupements croupions, sans honneur, asservi, servant plus leurs maîtres que leur pays. La résignation passive du peuple a abouti à une désagrégation du lien social avec l'émergence d'un affairisme débridé, porté par une caste sans foi ni loi. En face, une résignation fataliste des masses. Aujourd'hui, la goutte d'eau a débordé et les esprits se sont libérés pour évacuer le traumatisme vécu depuis des lustres, refoulé et occulté face au totalitarisme et au despotisme et face à un phénomène nouveau, le larbinisme érigé en vecteur valorisant ! Aujourd'hui, le peuple veut se réapproprier son destin, sa liberté, sa démocratie pour une véritable relance de l'Algérie, en mettant en échec toutes les dérives que le système politique actuel a érigées en constantes qui au-delà de la corruption, a touché tous les segments de la société, de l'économie, à la politique, en passant par la culture et le sport. Les manifestants hier à travers cette magnifique démonstration populaire, solidaire, contre la tyrannie qui menaçait de ronger les solidarités élémentaires, les confiances mutuelles et renvoyer aux calendes grecques l'avènement d'une communauté citoyenne. Le pouvoir sournois et arrogant a eu beau multiplier les cauters sur les jambes en bois, a eu beau manipuler par des ruses et des mensonges, ne pouvait indéfiniment cacher l'angoisse diffuse d'un mécontentement longtemps contenu et refoulé d'un peuple soumis à d'obscures fatalités. Cela fait longtemps que le peuple a été dépossédé de ses repères et de ses valeurs. Ce qui est dramatique, c'est que le pouvoir connu pour être autiste persiste dans son entêtement à croire à l'immaturité des foules, toujours considérées par lui comme quantité négligeable. Le pouvoir lui dénie le droit de s'occuper de ce qui le regarde, notamment la chose politique devenue chasse gardée, d'une coterie, voire d'un clan qui a toujours tenu l'électeur inutile à convaincre, mais bon à berner. C'est dire que la démagogie dans laquelle il excelle ne peut être combattue que par la valeur du peuple. Or, on a tout fait, parfois par des moyens machiavéliques et grotesques, pour tenter d'abrutir et d'aliéner le peuple vaillant. Désormais que le pouvoir est démasqué, le mouvement doit franchir une autre étape, lui qui aspire à la démocratie en n'omettant pas que cette dernière se fait avec le peuple, mais sombre avec la foule. La démonstration d'hier est assez éloquente et significative de la volonté de tous d'aller vers une société démocratique, libre et sereine. Déresponsabilisés et infantilisés par un pouvoir despotique, les Algériens ont désormais leur avenir entre les mains.