« Empêcher les médicaments, le ciment, les boissons gazeuses d'entrer à Ghaza parce que le Hamas pourrait les utiliser est absurde », souligne un journaliste américain. Paris De notre bureau La situation au Proche-Orient à l'aune de deux grands thèmes : « Retour à la Realpolitik » et les « Euro-Méditerranéens et le défi américain » a été au centre de l'essentiel des débats et échanges du 6e Forum euroméditerranéen de Paris, en partenariat avec le premier ministère et le ministère des Affaires étrangères français, vendredi et samedi dernier. « La politique de la main tendue » avec un retour sur « le discours du président Obama du Caire, un an après », « la Syrie, l'Iran et l'arc chiite » ; « une nouvelle approche du conflit israélo-palestinien ? », « l'Europe et les Etats arabes dans le processus de paix » ont en été les principales déclinaisons. A noter que parmi les nombreux intervenants, anciens ministres, anciens ambassadeurs, journalistes, chercheurs ou responsables officiels, pas un seul Palestinien, plus particulièrement quand il s'est agi de débattre du conflit israélo-palestinien et, plus précisément, de la question « que faire avec le Hamas ? », débattue par Robert Malley, ancien conseiller du président Clinton, l'ancien ministre de la défense israélien, l'ancien chef d'état-major, le général Shaul Mofaz, et Steven Erlanger, ancien correspondant du New York Times en Israël et dans les territoires occupés. La question a été soulevée depuis la salle de conférences. Selon les organisateurs du forum, ce n'est pas faute d'avoir pris attache avec l'Autorité palestinienne. « Il est clair qu'aujourd'hui les responsables palestiniens ne veulent pas être sur une tribune avec des Israéliens. C'est la première fois qu'ils ne le font pas. C'est le choix des responsables palestiniens. » C'est dire combien le 2e sommet de l'UPM qui se tiendra à Barcelone le 7 juin — durant lequel sera proposée, selon le ministre espagnol des Affaires étrangères, une initiative pour relancer le processus de négociations indirectes —, s'avère extrêmement délicat. Sur la question du Hamas, l'ancien ministre de la défense israélien a été radical. Pour lui, le Hamas est un « mouvement terroriste qui appelle à la destruction de l'Etat d'Israël » et « ses liens avec l'Iran sont une autre source d'inquiétude pour Israël ». Et d'appeler à « isoler l'Iran, car l'Iran constitue la principale menace pour la sécurité d'Israël qui ne peut accepter une puissance nucléaire dans son voisinage. Des sanctions plus fortes doivent être envisagées ». Et le faucon, se voulant magnanime, de suggérer d'« améliorer la vie des Palestiniens dans Ghaza pour les détourner du Hamas » et d'« encourager la participation de la Ligue arabe, menée par l'Egypte, pour parvenir à une réconciliation interpalestinienne », avant de mettre sur « la table » son propre « plan de paix ». Mais le militaire implacable a repris le dessus quand il s'est agi de justifier le retrait des troupes israéliennes de Ghaza en ne regrettant pas « ce geste historique qui a notamment permis d'épargner la vie de soldats israéliens ». Et d'ajouter que « si le Hamas devait poursuivre ses agressions, Israël réagira ». « Remettre en question les présupposés contre le Hamas » En réaction à ces propos, depuis la salle, une eurodéputée, qui a fait le voyage de Ghaza avec une délégation de députés européens, après le pilonnage israélien, a indiqué que « dans cette région, le processus de paix ne peut qu'être un processus de décolonisation. Le problème de Ghaza n'est pas un problème humanitaire, c'est un problème de décolonisation. Le Hamas est le résultat des humiliations subies par les Palestiniens ». Une autre personne s'adressant à l'ancien ministre de la Défense israélien : « Ne pensez-vous pas, mon général, que la montée des extrémismes vient du fait qu'Israël n'a rien donné aux Palestiniens, n'a fait aucune concession. » Et « Israël dispose de l'arme nucléaire, tout le monde le sait. Je suis contre le fait que l'Iran ait l'arme nucléaire, je suis pour un Moyen-Orient totalement dénucléarisé », poursuit-elle. Une autre intervention depuis le public : « Pourquoi, contrairement à la communauté internationale, seul Israël est contre le plan de paix arabe ? » Les deux autres intervenants du panel ont été beaucoup plus nuancés que le général israélien. Robert Malley, conseiller de l'ancien président Clinton, actuellement directeur de programme pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord à l'International Crisis Group, a insisté sur le fait qu'« il faut réfléchir à une autre politique envers le Hamas » et « remettre en question les présupposés contre le Hamas ». Prenant à revers les propositions du Quartette, Robert Malley considère qu'il serait « plus réaliste » de demander au Hamas un cessez-le-feu véritable et réel et de « donner mandat à l'OLP comme négociateur » avec « l'engagement de respecter les résultats d'un éventuel référendum » sur un accord de paix. Et d'ajouter que « le blocus contre Ghaza est un scandale humanitaire et un non-sens politique ». Quant à un plan de paix, « il faut réfléchir aux conditions dans lesquelles celui-ci sera mis sur la table, penser à un plan de paix comme l'aboutissement d'efforts diplomatiques ; l'Europe ne doit pas forcément suivre la position américaine, la division des tâches peut s'avérer fructueuse ». Le journaliste américain, Steven Erlanger, relève que le Hamas est « un spectre politique important du mouvement national palestinien » et « il faut écouter réellement ce qu'il dit ». « Le Hamas n'est pas un outil de l'Iran, le Hamas est un projet palestinien. » Il a « une vision alternative d'un Etat palestinien et de la façon de l'atteindre ». « Empêcher les médicaments, le ciment, les boissons gazeuses d'entrer à Ghaza parce que le Hamas pourrait les utiliser est absurde », souligne le journaliste. « Un signe de courage politique » Concernant le discours du Caire du président Obama, les intervenants à la plénière qui lui était consacrée ont relevé qu'il contient « tout un programme politique » et témoigne de « la détermination réelle du nouveau président américain d'enclencher une dynamique de paix » dans la région et qu'il est prêt à « négocier avec tous les régimes en particulier » pour résoudre le conflit israélo-palestinien qui demeure « le problème central » à ses yeux. Aussi, a-t-il été affirmé, que la récente déclaration du général Petraeus à la commission des affaires étrangères du Sénat américain établissant un « lien stratégique entre le conflit israélo-palestinien et la sécurité des troupes américaines en Irak et en Afghanistan n'a fait que le conforter dans cette position ». Autre idée force dégagée de cette plénière : la responsabilité américaine est considérable et les risques pris par l'Administration Obama sont réels face aux incertitudes qui pèsent sur la résolution de ce conflit. L'ancien ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine, considère ce discours du Caire comme « un signe de courage politique » de la part d'Obama qui a fait le choix de le prononcer au tout début d'un mandat, davantage marqué par la nécessité de traiter de questions intérieures urgentes. « Obama a montré qu'il voulait s'engager au Proche-Orient dans un contexte pourtant peu favorable. » Hubert Védrine parie sur la « persévérance » d'Obama sur ce dossier et, « sans être naïvement optimiste », juge possible l'aboutissement d'un accord. Quant à l'Europe, Hubert Védrine a souligné que l'UE ne pouvait pas remplacer la politique américaine, mais « au mieux agir comme levier » avec le relais du haut représentant de l'UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Catherine Ashton.