Le spectacle des 6000 chalets éparpillés çà et là à travers certaines localités de la wilaya de Boumerdès est d'une désolation dramatique. A Corso, il l'est encore plus. Trois sites se disputent l'attente du relogement : l'Onaco, avec 232 chalets et ce qui reste de Berahmoune (une soixantaine sur les 180 avant la distribution). En cette journée pluvieuse, le déplacement, même en voiture, dans le dédale des ruelles aux nids-de-poule, crevasses et autres mares inondées, est un supplice. Un enfant apostrophe son grand-père : «Le camion de gaz est venu. Il faut en acheter.» Enfance traumatisée par un quotidien de privations. Le froid est vécu comme une punition calamiteuse et non plus comme un élément naturel. L'accès aux chalets devient un parcours semé de trous. Des pneus de fortune en signalent le danger. Si Moussa raconte : «Je vis dans les restes d'un chalet dont la durée de vie est depuis longtemps révolue. Mon aîné a 34 ans. Il est marié et a loué chez un particulier, en espérant un logement social. Les autres, qui vivent toujours avec moi, ont respectivement 32, 30 et 23 ans. On s'entasse comme on peut au milieu de nos affaires repoussées dans un coin. Le carrelage se décolle, la toiture béante pend et les infiltrations se propagent en même temps que les rats. Je ne comprends pas pourquoi on tarde à nous reloger, alors que nous avons tous les documents qui attestent que nous sommes des sinistrés dès la première heure…» Il reste dubitatif, puis soupire : «Depuis ce fameux mai 2003, je vis l'enfer. La propriétaire du logement que j'occupais a bénéficié d'un chalet avec la complicité de membres de la commission. Elle était la secrétaire d'un ex-P/APW du FLN. Bien que possédant un logement, elle loue actuellement le chalet que ladite commission lui a octroyé.» Lui a dû subir mille tracas, dont une affaire en justice pour garder le chalet. Le quartier Boudiaf, qui jouxte les 232 chalets, ne souffre pas seulement de ces pieds de nez à la loi. Il a été squatté dans sa globalité. Des habitations en dur ont pris d'assaut les trottoirs et jusqu'à l'accotement du lycée et de l'école primaire. On nous apprend que ce sont des taudis récents montés avec la récupération des panneaux, tôles et autres zincs des chalets détruits du côté du centre-ville de Corso en face l'arrêt de bus. En fait, dans ce quartier à l'abri des regards, un falbala menace de s'ériger. Au site Onaco, c'est pire. C'est un terrain inondable. La boue vous y accueille avec la promesse des pires vicissitudes. La jeunesse s'y réveille le soir pour l'illusion de l'oubli derrière une fumée d'opium. La délinquance n'est pas loin. Les habitants ont beau se plaindre auprès des autorités, ils ne reçoivent que des promesses.