Le chef du gouvernement italien, Giuseppe Conte, était sur la défensive sur la question libyenne, vendredi dernier à Pékin, en marge de sa visite en Chine. Il a déclaré que l'Italie n'est «ni avec Haftar ni Al Sarraj», coupant ainsi avec une tradition d'alliance avec l'Ouest libyen, notamment Misrata. Il est vrai qu'à Pékin, Conte était sur un terrain plus favorable à Haftar. L'Italie et la Grande-Bretagne étaient les rares pays occidentaux à soutenir le gouvernement d'Al Sarraj ; position très controversée après les révélations sur la présence de certains groupes terroristes soutenant le gouvernement de Tripoli. Ce que dément Tripoli qui accuse à son tour Haftar d'être entouré d'islamistes madkhali. Que Rome dise comprendre «la position de Haftar, soutenu par plusieurs pays, consistant à unifier le territoire libyen, l'armée libyenne et les unités sécuritaires», et qu'elle pourrait s'adosser à des considérations logiques, il s'agit d'un revirement de la position italienne sur la question libyenne. Conte a également affirmé que son gouvernement «n'a pris position ni pour le maréchal Khalifa Haftar ni pour le gouvernement de (Fayez) Al Sarraj, mais en faveur du peuple libyen», faisant allusion à l'escalade militaire en Libye. Le chef du gouvernement italien dit soutenir l'arrêt des combats, parce que l'Italie est convaincue que la solution militaire n'est pas la meilleure solution de manière absolue. Il est vrai que les gros intérêts économiques italiens en Libye obligent à la prudence, face à une situation peu confortable pour Fayez Al Sarraj, après le revirement spectaculaire de Trump en faveur de Haftar. Position inconfortable Par ailleurs, les Italiens sont très contestés par le camp de l'Est et du Sud libyen, qui les accuse de soutenir l'Ouest. Ainsi, le porte-parole de l'Armée nationale libyenne (ANL), Ahmed Mesmari, demande aux Italiens de fermer leur hôpital de Misrata, utilisé pour soigner les blessés de la bataille de Tripoli. En réponse à cette requête, les Italiens proposent de soigner les blessés de l'armée de Haftar dans un hôpital naviguant au large de l'Est libyen. Ils disent également contrôler l'identité des blessés, pour ne pas soigner des terroristes. Mais, les critiques faites aux Italiens ne se limitent pas au sanitaire, le membre du Parlement, Zayed Hadiya, avance l'hypothèse que «les forces italiennes seraient, peut-être, les intermédiaires pour la venue de sociétés de mercenaires, combattant aux côtés d'Al Sarraj, puisque ce dernier a bloqué deux milliards de dinars libyens (1,4 milliard de dollars) des revenus du pétrole pour financer l'effort militaire». Hadiya dit disposer de séquences confirmant la présence de ces mercenaires étrangers, opérationnels à Tripoli, et que des enquêtes sont en cours pour lever le voile sur l'acheminement de ces éléments. Bombardements aveugles Les deux belligérants font monter la tension aérienne dans les environs de la capitale libyenne. Ainsi, l'aviation de Fayez Al Sarraj a attaqué la ville de Tarhouna, la banlieue de Kasr Ben Ghachir et le pourtour de l'aéroport international de Tripoli. Des dégâts ont été enregistrés dans des habitations citoyennes à Kasr Ben Ghachir et Tarhouna, ainsi que des dépôts de produits alimentaires à Tarhouna. Le conseil municipal de Tarhouna a condamné l'attaque, la considérant comme une attaque terroriste. Il a publié des photos d'habitations touchées par les obus. Sur l'autre bord, l'aviation de Haftar a attaqué le camp dit «Mouaskar Al Kaakaa», situé sur la route de Souani, engendrant de grands incendies dans le camp. Le porte-parole de l'ANL, Mesmari, dit que l'attaque a détruit des réserves de munitions des milices. «C'est la raison des grandes explosions entendues dans tout Tripoli», explique-t-il. Laquelle attaque survient au lendemain d'une autre du côté de Janzour, à l'ouest de Tripoli. Sur le plan politique et diplomatique, la situation ne bouge pas. Personne n'appelle plus à la réconciliation politique entre les Libyens, à part l'Algérie et la Tunisie, voire l'Italie. Les ministres des Affaires étrangères d'Alger et de Tunis ont conclu à l'inévitable issue politique entre les Libyens de l'intérieur. Mais, cet appel ne trouve, semble-t-il, pas d'écho dans l'intérieur libyen, où l'on assiste à une course vers l'alignement. Ainsi, les directions sécuritaires de Sabratha et des zones entourant Tripoli, Kasr Ben Ghechir, Souk Essebt, Souk El Khemis, Sbiaa et Sidi Sayeh ont exprimé leur dépendance de Haftar et du gouvernement Thenay d'El Baydha. La situation ne s'améliore pas à Tripoli à une semaine du mois de Ramadhan. C'est la population civile qui paie les frais.