1. Novembre : la caméra de la dignité Le service de propagande et d'information créé au lendemain du Congrès de la Soummam à doté l'Algérie d'un journal porte-parole de la Révolution algérienne et d'un service cinématographique immortalisant le combat libérateur. Ces organes médiatiques ont donné plus de visibilité à la Révolution algérienne, plaidant auprès des nations la justesse du combat novembriste. Ces méthodes de lutte, calquées sur des modèles marxistes-léninistes, ont permis à la Révolution d'asseoir un socle idéologique, qui a marqué de son empreinte l'Etat-nation post-indépendance. Salah Louanchi, M'hamed Yazid, Aïssa Messaoudi, Mustapha Lacheraf, Réda Malek, formaient cette noble chaîne qui a bâti ce système d'information issu de cet engagement contre la colonisation. Le cœur palpitant de notre glorieuse Révolution battait à travers les ondes de la Radio algérienne «Sawt El Djazaïr El moukafiha», la voix imposante du regretté Aïssa Messaoudi retentissait au-delà des montagnes du Djurdjura et des Aurès. L'écho de ces programmes révolutionnaires à permis aux millions d'auditeurs de rallier l'Algérie combattante, et aux justes de l'humanité d'épouser la noble cause de l'indépendance. 2. La presse d'avant-garde Eté 1962. Dans l'euphorie de la victoire et la liesse de l'indépendance fuse un appel baptisé «Un seul héros, le peuple !», un slogan qui rend hommage à la résistance face à une nuit coloniale de 132 ans. Ce leitmotiv est recyclé au lendemain du putsch contre le GPRA, son but : assurér un égalitarisme insensé entre les Wilayas en conflit et évacuer les symboles «encombrants» de la mémoire qu'on voulait sélective. Cette nouvelle option du vainqueur, plantant son décor populiste et avant-gardiste, a fait du journalisme une simple courroie de transmission et un appareil de mobilisation des masses. Quelques journaux ont tenté l'aventure intellectuelle, nous citons Le Peuple, El Moudjahid, Alger Ce soir, La République d'Oran et Alger Républicain. Ce dernier a été interdit suite au coup d'Etat du 19 juin 1965. Côté audiovisuel, les actualités filmées meublaient l'essentiel des contenus de l'historique RTA, qui venait de recouvrer sa souveraineté un certain 28 octobre 1962, subissant de plein fouet les contrecoups des départ massifs des techniciens francais. Néanmoins, la Télévision et la Radio ont réussi à relever le défi et sur la couverture hertzienne et sur la divertisification des grilles des programmes et de leurs contenus. Les Chartes d'Alger et de Tripoli, élaborées sous le règne de Hmimed Ahmed Ben Bella, n'ont pas intégré les notions de liberté de la presse et du droit à l'information dans leurs clauses. Ce sont en fait des textes fondateurs de la démocratie populaire naissante, dont le binôme socialiste-nassérien fixait les grands choix et les grandes orientations du pays. Les premiers balbutiements de la presse écrite ont connu certes une dynamique rassurante dans les premières années de l'indépendance, une aubaine qui n'a pas fait long feu, première victime de la première manifestation de l'autocratie, la suspension des voix discordantes. Le quotidien Alger Républicain, animé par le militant anticolonialiste Henri Alleg, a fait les frais de son audace politique et a été suspendu suite au coup d'Etat de 1965, qui a vu propulser le colonel Boumediène à la tête de l'Etat algérien. On ne peut oublier l'icône anti-impérialiste, Mohamed Boudia, fondateur du quotidien Alger Ce soir, dramaturge de talent et ami du grand journaliste Serge Michel, celui qui a assuré la formation de tout un collège de journalistes algériens, dont les regrettés Bachir Rezzoug et Kamel Belkacem. L'Agence Presse Service, la presse écrite, la Radio et la Télévision ont été sommées d'accomplir leur fonction dans un esprit propagandiste et avant-gardiste, en plébiscitant Constitution et Charte nationale, en traitant tous les opposants de «réactionnaires à la solde de l'impérialisme américain». 3. La presse sous Boumediène Les trois tentacules du système, l'appareil du parti, l'administration bureaucratique et les services ont réduit l'homme de la presse à un agent d'exécution, avec une matière formatée et des outils forgés dans la langue de bois, les journalistes les plus récalcitrants convoquent les fables d'Ibn Moukafaâ pour oser une critique du système. Beaucoup parmi eux ont connu les affres de l'errance et de l'exil, parmi eux le grand écrivain Mohamed Dib, la romancière et journaliste de la Radio Chaîne 3, Fadéla Mrabet, le grand poète, Omar Azradj, auteur de la célèbre diatribe contre le parti FLN: «Toi parti du FLN renouvelle-toi, sois pluraliste ou je te voue au gémonies.» Le diktat du pouvoir dans les années 70' s'est adapté avec la nouvelle donne de l'infitah des années 80'. 4. La gazette maquillée Le régime de Chadli a tenté de miroiter les allures d'une nation ouverte sur le monde a la faveur du PAP, (Programme anti-pénurie). Le statut de la presse n'a pas évolué d'un iota, prisonnier de son allégeance au maître du moment. L'Etat exerçait le monopole sur tous les moyens de communication. La réussite fulgurante des magazines Révolution Africaine et Algérie Actualité s'est traduit par un renouveau éditorial animé par de talentueux chroniqueurs et de pertinents analystes. Des débats de grande facture opposaient des courants de pensée variés et des clivages politico-idéologiques agrémentaient le paysage médiatique. La désinformation et la stigmatisation de la Kabylie suite au Printemps berbère du 20 Avril 1980 ont disqualifié encore une fois les tenants d'une presse aux ordres. Le citoyen lecteur, toujours en quête d'une information objective et crédible, a eu recours à la presse étrangère, en accentuant l'écoute des stations de radio internationales. La Télévision nationale diffuse les JT à 20h dans un esprit protocolaire et une hiérarchisation rigide des news ; l'anecdote concernant l'exclusion du présentateur vedette du JT en français, Hachemi Souami, suite à la célèbre phrase, «Passons aux choses sérieuses», illustre parfaitement l'unanimisme et le conformisme stérile dans lequel se débattait le statut de la presse de l'époque. Sur d'autres registres, notamment dans la production de documentaires, certains réalisateurs intègres et audacieux, comme le regretté Elhachemi Cherif, ont été mutés vers la transmission des matchs de championnat, une énième trouvaille pour l'écarter de la réalisation des documentaires engagés et anticonformistes. Les années 80' ont été marqués par un fait majeur, à savoir l'adoption du 1er Code de l'information, qui a reproduit dans son ensemble la même conception des autres textes relatifs à l'orientation dogmatique et idéologique du système politique, les cellules FLN n'ont pas encore quitté les intérieurs des organes de presse. Seul point positif de ce nouveau texte de l'information, le droit du journaliste à accéder à la source de l'information, ainsi que la clause de conscience. Le regretté spécialiste du Code de l'information, Ibrahim Brahimi, a rappelé que ce texte, malgré ses grandes lacunes, est mieux qu'une situation de vide, l'ancien directeur de l'Ecole supérieure du journalisme a plaidé pour une loi sur la liberté de la presse. La parenthèse des années 80' a été marquée par d'intenses débats sur les questions de l'identité et de la culture : Tahar Djaout, Abdelkrim Djaâd, Mohand Saïd Ziad, Malika Abdelaziz, Ghania Mouffok, Mokhnachi et tant d'autres brillants journalistes. Du côté des ondes, des émissions qui ont fait la grandeur de la Radio et qui resteront gravées à jamais dans les annales de la RTA, nous citons à titre d'exemple, A cœur ouvert, de Leïla Boutaleb, gual ou gual, du regretté Hamid Kechad, de Sans pitié, de Aziz Smati. Octobre de tous les espoirs Cette brise dans la torride nuit des années 88 a été porteuse de beaucoup d'espoirs pour l'exercice du métier de journaliste. La nouvelle Constitution de 1989 a codifié dans le texte les principes de la liberté de la presse et le droit à l'information ; ces acquis ont été l'aboutissement des luttes des journalistes pour leur dignité qui, malgré les difficultés, ont continué à exercer leur métier. Sid Ali Benmechiche, journaliste à l'APS, est décédé en 1988, au moment où il assurait la couverture médiatique de la marche du FIS, la presse post-1988 a vu l'émergence d'un mouvement corporatiste qui a pris son envol de la rue de la Liberté, les meneurs de ce mouvement, issus dans un premier temps du quotidien El Moudjahid ont commencé à jeter des fléchettes en direction de leur cible, le pouvoir de la censure, la salle El Mougar a été le QG d'un vaste élan de liberté animé par des hommes de la presse, à l'instar de Amar Bekhouche, Amar Belhimer, Solieman Mellali, Aziouez Mokhtari, et tout le sympathique potentiel journalistique qui menait à la fois les batailles sur le front professionnel et doctrinal. Ce fut la création du Mouvement national des journaslistes algériens, un bouillonnement culturel sous la bienveillance de l'icône d'Alger, Momo Himoud Brahimi. La Télévision algérienne a réussi sa transition vers un modèle prônant le service public, la volonté politique a trouvé en la personne de Abdou B. le manager de toute une dynamique fédérant les journalistes autour des constantes du service public. Les fruits de ce mouvement n'ont pas tardé a être cueillis avec la naissance d'une presse pluraliste, en arabe, français et tamazight. Le quotidien Le Matin, qui a perdu son icône, qui n'est autre que le talentueux billettiste, le regretté Saïd Mekbel, assassiné dans un attentat terroriste à Hussein Dey. Ce journal, catalogué dans le registre éradicateur, et cette belle aventure journalistique ont, certes, permis l'éclosion de toute en panoplie de journaux, mais une déconstruction du discours de cette presse naissante nous renseignera sur la prédominance de genres journalistiques d'opinion (billets, chroniques, analyses, dessins de presse) sur les enquêtes d'investigation et autres outils favorisant une presse d'information. La raison de cette tendance est liée au besoin vital des journalistes à prendre part aux grands questionnements sur leur identité, le rapport à la religion, à la gestion de l'Etat. Biberonnés dans les grands clivages linguistiques et idéologiques, les hommes et les femmes de la presse ont privilégié plus le journalisme d'opinion. Un autre aspect qui a relégué au second plan la presse de l'information est lié étroitement au système opaque de l'administration est l'absence de transparence dans la communication des informations et des données permettant au journalistes d'exercer leur mission d'investigation. 5. «Parle et Meurt» La décennie noire a été marquée par l'alignement d'une partie des journalistes dans le combat contre le terrorisme, un grand nombre parmi eux ont été assassinés d'une manière préméditée et sélective. Le regretté journaliste, poète, Tahar Djaout, l'avait si bien résumé dans une citation immortelle : «Si tu parles, tu meurs, si tu ne parles pas, tu meurs, alors parle et meurs !» Les années 90', traversées par une folle descente aux enfers, n'ont pas épargné les journalistes dans l'exercice de leurs fonctions, plusieurs journalistes ont été incarcérés suite à la publication d'informations sécuritaires frappées du fameux imprimatum. Nous pouvons citer, à titre d'exemple, l'arrestation de cinq journalistes d'El Watan, suite à la publication de l'attentat terroriste à Ksar Elhirane, à Laghouat, un autre cas, celui de l'incarcération de caricaturiste Chawki Amari. Côté audiovisuel, certains journalistes ont lancé leur coopérative audiovisuelle, comme leurs semblables de la presse écrite, qui ont bénéficié de 3 ans de salaire et de facilitations fiscales et autres mesures incitatives, comme les gratuités des fils d'agences de presse, une politique initiée par l'homme des réformes, Mouloud Hamrouche, qui a permis la floraison de plusieurs titres privés siégeant dans les maisons de la presse Tahar Djaout, du 1er Mai, et Abdelkader Safir, de Kouba, ce grand symbole de la presse ecrite a été le théâtre d'un sinistre attentat terroriste qui a endeuillé des familles des journalistes du Soir d'Algérie. 6. Paysage audiovisuel : fausse alerte Le paysage audiovisuel a célébré l'arrivée de la deuxième chaîne de Télévision publique, à savoir Algerian TV, ou l'actuelle Canal Algérie, qui est en fait juste un programme destiné à la communauté nationale à l'étranger, lancé pour les besoins de la présidentielle de 1995, et l'accompagnement de la fameuse directive numéro 17 de la présidence de la République. Force est de constater que Canal Algérie qui, malgré l'absence d'un statut lui assurant une certaine autonomie juridique et financière, a réussi à atteindre sa cible et à gagner plus de télespectateurs branchés sur le bouquet satellitaire Eutelsat. Malheureusement, la mission de service public codifiée dans le cahier des charges de la Télévision algérienne n'a pas été respectée ni par la Télévision mère ni par Canal Algérie qui, faute d'indépendance du point de vue du statut, de moyens techniques et de ligne éditoriale, a reproduit les mêmes réflexes de la Télévision. La Télévision, dont les caisses sont renflouées par les recettes de la redevance télévisuelle et les rentrées publicitaires, devrait faire face à une masse salariale de plus en plus conséquente, notamment avec le lancement des autres chaînes : la 3, la chaîne amazighe, la chaîne coranique et la chaîne web. L'éloignement des principes du service et l'appropriation des régimes successifs de la Télévision et le refus des modèles innovants de management et de gestion ont fait de la citadelle du boulevard des Martyrs un géant aux pieds d'argile. 7. Un président Rédacteur en chef L'analyse du paysage médiatique de cette décennie, notamment en ce qui concerne les contenus de ces publications, confirme l'audace et le courage des journalistes à aborder les questions les plus controversées. Désormais, l'Algérie a été considérée comme le pays le plus libre en Afrique et dans le monde arabe. Par ailleurs, d'autres observateurs reprochent à certains journaux leur proximité avec les tenants d'un discours fortement idéologique et populiste, d'autres rappellent que les profils exerçant avant les années 80' dans les organes de presse étatique ont gardé un discours à forte résonance idéologique pro-système, les dichotomies et autres clivages arabophones, francophones, islamistes, modernistes, réconciliateurs et éradicateurs ont retardé l'avènement d'un paradigme dédié à la déontologie. Une situation qui a empiré avec l'arrivée du président Bouteflika et l'instauration du culte de la personnalité et le retour de l'unanimisme. La liberté de la presse a été utilisée juste comme un faire-valoir et une vitrine pour les besoins de la consommation extérieure et la promotion de l'image d'une Algérie démocratique. Cet alibi n'a pas résisté aux méthodes musclées du régime. Première victime de cette Algérie de «iza wa lkarama», le journaliste directeur du Matin, Mohamed Benchicou, qui a écopé de deux ans de prison, la ligne éditoriale incarnée par le quotidien Le matin et son opposition à la politique du nouveau locataire d'El Mouradia dérangeaient en haut lieu. Le 2e mandat du règne du président de la République a été une escalade dans le lynchage d'une presse cataloguée par certains zélateurs de «cartel», une manière de cibler les titres les plus frondeurs et d'actionner l'assèchement des ressources publicitaires. Les interviews du chef de l'Etat accordées aux chaînes étrangères et le refus de consacrer le moindre entretien à un organe de presse national nous renseignent longuement sur l'intérêt que portait la communication institutionnelle au journaliste algérien, d'une part, et les appréhensions distantes qu'Abdelaziz Bouteflika éprouvait vis-à-vis de la presse nationale, de l'autre. L'absence d'une loi régissant la publicité, d'un cadre fédérateur de l'ensemble de la corporation des journalistes et l'arsenal pénal recyclé pour les besoins du musellement de la presse. Ce sont là les trois freins qui ont pesé durant plus d'une décennie dans le classement au bas du tableau de tout l'écosystème du monde des médias. La Télévision, la Radio et l'Agence Presse Service, trois piliers que la communication made by Bouteflika sont transformées en une caissse de résonance à la gloire de celui qui venait d'entamer son 2e mandat. La Télévision publique, qui a payé un lourd tribut dans sa mission foncièrement républicaine anti-intégriste, se retrouve vidée de son potentiel le plus créatif et affaiblie par des cycles de charivari d'idolatrie et de culte de la personnalité. Elle rappelle que le président Bouteflika a commencé par dire qu'il est le rédacteur en chef de l'Agence de presse algérienne et de la Télévision algérienne. Un rapport possessif paternaliste et méprisant, empêchant les enfants légitimes de l'ex-RTA de remplir leurs prérogatives et d'informer l'opinion publique. Code de l'information Alibi Le nouvel ordre de l'information a été bien cuisiné dans les laboratoires de l'unanimisme et du tout va bien, le Code de l'information de 2012 a, certes, dépénalisé les délits de presse, c'est le seul aspect positif de cette nouvelle version de la loi régissant l'information. La réalité de terrain est tout autre, le gouffre publicitaire est la nouvelle arme pour faire taire les titres les plus combatifs. Cette épée de Damoclès suspendue sur la tête des journaux indépendants vise le tarissement des ressources publicitaires des journaux comme El Watan, Liberté, El Khabar et Le Soir d'Algérie. La publicité publique gérée par l'agence ANEP avançait souvent l'argument de la commercialité. Un traitement de faveur foulant aux pieds les principes de l'équité et la réglementation. Beaucoup de titres tirant et vendant à peine une dizaine de numéros ont été souvent bénéficiaires d'une rente publicitaire florissante, ces titres assurant un conformisme béat et reproduisant des louanges quotidiennes au maître du moment. Au moment où le 4e mandat a pondu un texte dépénalisant l'acte d'écrire, le champ éditorial de la presse a épousé l'unanimiste mariage de raison, ou deal pour la continuité. La loi organique relative à l'information de 2012 innove avec la dépénalisation des délits de presse et l'augmentation des sanctions financières. Certains observateurs rappellent que ce code n'est autre que la mouture revisitée du projet proposé par l'ex-ministre de la Communication, Abdelaziz Rahabi, un cadre législatif qui devait être renforcé par des textes encadrant l'activité publicitaire et de sondage. 2014, l'année des Chaînes TV offshore L'année 2014 a été l'année de monoplisation du paysage audiovisuel, la loi sur l'audiovisuel autorise la création de chaînes privées sur des supports satellitaires et digitaux, cette loi est venue confirmer l'esprit du Code de l'information de 2012. L'an 1 sans monopole n'a pas résisté à l'épreuve du terrain, notamment avec la fermeture des studios d'Atlas TV, la suspension des shows de la chaîne KBS et l'emprisonnement des responsables de la production du programme de satire politique diffusée sur El Khabar Télévision. Ce verrouillage, pénalisant les voix discordantes, a déroulé le tapis rouge pour l'avènement d'un ordre audiovisuel uniforme. La nouvelle scène médiatique renforce encore plus un régime autiste et despotique, les chaînes de télévision offshore diffusant sur des satellites à Londres et dans les pays du Golfe. Une situation inédite, contournant l'absence d'infrastructures de diffusion. L'argent de la publicité profitant à des journaux pro-régime a accéléré l'émergence d'une génération d'éditeurs qui ont opté pour l'encouragement de la presse sensationnelle, l'alignement sur les thèses du pouvoir et la focalisation sur des thématiques répugnantes aux résonances racoleuses. Cette presse tabloïd et sa jumelle version en son et image ont contribué au démembrement de la société civile, au dénigrement des opposants et à la floraison de sujets trash déshonorant les règles de l'éthique et de la morale. Au moment où de nouveaux tycoons montent au créneau et brassent des milliards, d'autres, qui ont croisé le fer durant la décennie noire, se retrouvent aujourd'hui face à des blocages visant leur survie et l'anéantissement de la tribune libre et digne. 2015 fut l'année de l'ARAV, l'Autorité de régulation de l'audiovisuel, une agence censée assurer le respect des valeurs morales, éthiques et professionnelles. Une mission consultative qui n'a pas fait long feu. Face à une situation inique et unique, cette autorité ne sait pas à quel saint se vouer et exerce son libre arbitre en pleine jungle médiatique, animée par des stations de télévision offshore. La plupart de ces chaînes sont la propriété d'oligarques, dont la seule mission était de pérenniser le système, d'autres éditeurs ont créé des networks pour cultiver l'uniformité de la pensée, la paresse intellectuelle et l'addiction au sensationnel. L'heure de vérité Depuis le 22 février 2019, date de naissance de la Révolution du sourire, le message de la vérité n'a pas été celui développé ni par les télévisions privées, encore moins la Télévision nationale. Les journalistes algériens ont mené des actions de protestation au niveau de la place de la Liberté de la presse pour revendiquer plus de liberté et soutenir pleinement le mouvement populaire. Le collectif des journalistes de l'ENTV en sont à leur 4e semaine de protestation contre la censure et la désinformation. Cette nouvelle dynamique qui secoue le boulevard des Martyrs est animée par une des journalistes, des techniciens et des travailleurs fédérés autour d'une charte de l'éthique, de la déontologie, un cadre idoine, permettant aux professionnels des médias de mener des luttes sur les fronts éthique, corporatiste et humain. Cet élan s'inscrit dans l'esprit du sursaut de la dignité du peuple algérien. Un peuple qui a réinventé sa Révolution en la chantant à pleins poumons en haute mer, dans les virages des stades, dans les blogs des sphères digitales, sur les murs des extra-muros, dans la légendaire Grande-Poste… une révolution qui esquissera son flamboyant sourire aux millions d'Algériennes et d'Algériens, en attente d'une libération depuis 1962.