Tantôt on annonce que les portes sont ouvertes à «toutes les solutions», tantôt on insiste sur l'organisation d'une «élection présidentielle dans les délais convenus», l'Algérie est de plus en plus en proie à une véritable instabilité politique avec tous les risques qu'elle comporte. Face au statu quo qui s'est installé depuis la démission de l'ex-président, Abdelaziz Bouteflika, l'Algérie n'a fait aucun autre pas vers une transition qui la conduirait sereinement à une sortie de crise. Entre ceux qui s'obstinent à maintenir une façade constitutionnelle pour aller vite à une élection présidentielle qui n'offre aucune garantie sur sa régularité, et le peuple qui revendique inlassablement le départ du chef de l'Etat par intérim, Abdelkader Bensalah, et du Premier ministre, Noureddine Bedoui, l'organisation d'une période de transition par des personnalités indépendantes consensuelles, il y a un sérieux malentendu. On s'interroge d'ailleurs pourquoi les tenants du pouvoir, le commandement de l'Armée nationale populaire, refusent toujours d'accéder à cette demande, même si elle est massivement formulée par des millions d'Algériens ? Ce sont eux les électeurs. Et est-il possible de tenir l'élection sans eux ? L'échéance électorale que Abdelkader Bensalah veut organiser dans «les délais convenus» est techniquement impossible et politiquement une aventure, car si l'option est maintenue vaille que vaille, elle fera encourir un risque énorme au pays. C'est vrai que la lutte contre la corruption est une revendication essentielle du mouvement populaire, mais ce sont les revendications politiques qui le font vivre. La non-satisfaction des demandes politiques portant sur le départ du chef de l'Etat par intérim et du Premier ministre, pour ensuite entamer rapidement la préparation et la mise en branle du processus de transition avec au bout une élection présidentielle propre et qui reflète le libre choix du peuple, conduira à coup sûr vers une impasse d'où il sera difficile de sortir. Ce moment arrivera tôt ou tard, et même plus tôt que prévu. Le danger est dans le fait de confondre entre l'action de justice et l'acte politique. Les interpellations des hauts responsables de l'Etat et le traitement de certaines affaires liées la corruption ne peuvent être considérés comme des avancées politiques, comme le suggère Abdelkader Bensalah. Tout le monde l'a compris, surtout les millions de citoyens qui manifestent chaque vendredi. Tenter de le faire croire est une manœuvre qui pourrait même accentuer encore plus la crise. En effet, la problématique du changement du système posée par les Algériens depuis le 22 février dernier reste entière. La volonté d'aller vers une transition et une élection présidentielle qui réglera définitivement la question de la légitimité et qui apaisera les esprits n'est pas encore à l'ordre du jour, et ce, en dépit des propositions de sortie de crise faites par la classe politique appartenant à l'opposition et des personnalités nationales. Des constitutionnalistes ont offert maintes formules de sortie du bourbier dans lequel le clan présidentiel a mis l'Algérie. Certains proposent le dépassement de l'article 102 de la Constitution, qui a résolu le problème de la démission de l'ex-président, Abdelaziz Bouteflika, pour aller à l'application des articles 7 et 8 de la Loi fondamentale. D'autres plus précis proposent une déclaration de Constitution comme une issue à la crise par le départ du chef de l'Etat par intérim et le Premier ministre. Les initiatives et les propositions avancées jusque-là s'avèrent d'une incroyable simplicité, parce qu'elles sont surtout appuyées par le peuple. Ce qui complique cependant la situation c'est un manque d'entendeur. Et c'est là, en réalité, que réside le véritable risque pour le pays, pas dans les élucubrations des tenants du pouvoir.