Une tribune dans le Monde a réagi, hier, à la dimension effarante qu'a prise la mise en cause violente et quasi hystérique de la sortie lors du Festival de Cannes du nouveau film de Rachid Bouchareb Hors-la-loi. Les vérités officielles et les dénonciations de l'"anti-France" qui ont sévi à l'époque des guerres coloniales sont-elles de retour ? » s'interrogent Yasmina Adi (réalisatrice), Didier Daeninckx (écrivain), François Gèze (éditeur), Guy Seligman (président de la SCAM) et Pascal Blanchard, Mohammed Harbi, Gilles Manceron, Gilbert Meynier, Gérard Noiriel, Jean-Pierre Peyroulou, Benjamin Stora, Sylvie Thénault (historiens). Ils évoquent les levées de boucliers parties d'un obscur député avant d'être prise en charge par le secrétaire d'Etat à la Défense et aux Anciens combattants pour s'en prendre au financement du film par des fonds publics. En somme, se demandent les signataires, « le financement de la création devrait dans ce domaine être soumis à un label d'Etat définissant ce qui est ou non ‘'historiquement correct''. Fruit d'une coproduction franco-algéro-tuniso-italo-belge, ce film est d'abord une œuvre libre qui ne saurait se réduire à une nationalité, ni à un message politique et encore moins à une vision officielle de l'histoire. Œuvre d'un cinéaste à la fois français et algérien, son producteur pouvait le présenter à la sélection officielle du Festival de Cannes en tant que film algérien ou film français. Il a choisi la première option, les films français de qualité étant déjà nombreux à prétendre figurer dans une sélection nécessairement limitée ». Les personnalités reviennent aussi sur l'intervention anormale du service historique de la Défense qui a rendu un avis négatif sur le scénario. « Le travail d'un réalisateur n'est pas celui d'un historien, et n'a pas à être jugé par l'Etat. Personne n'a demandé à Francis Ford Coppola de raconter dans Apocalypse Now la guerre du Vietnam avec une précision "historique" », indiquent-elles. « L'évocation d'une page d'histoire tragique peut aussi bien passer par la fiction, avec ses inévitables raccourcis, que par les indispensables travaux des historiens ». Les signataires dénoncent les pressions exercées sur les chaînes de France Télévisions pour ne pas coproduire le film et sur les responsables de la sélection officielle du Festival de Cannes pour qu'il ne soit pas sélectionné, « tandis que le producteur a été l'objet de demandes inhabituelles venant de la présidence de la République et du secrétariat d'Etat à la Défense et aux Anciens combattants pour visionner le film – dans quel but ? – avant la date de sa présentation officielle ». Enfin, rappelons que des associations extrémistes appellent à perturber le Festival par une manifestation