Un ancien importateur informel qu'on appellera Azouz, la quarantaine, qui, il y a quelques années, avait raccroché comme tant d'autres à cause de la tchipa, de la corruption et du sachet noir, nous parle de ce qu'il faisait et comment il activait. Il voyageait à Dubaï pour les effets vestimentaires, en Thaïlande pour les pièces de rechange et en Turquie pour l'habillement et les confiseries. Dans les années 1995-1996, il recevait ses conteneurs au port d'Alger. Auparavant, il faisait venir des semi-remorques d'Egypte transportant du tissu égyptien, chinois, etc. Il s'agit de tissu bas de gamme, bien entendu. Ces produits étaient très prisés par les gens de Aïn Fakroun depuis le début des années 1990. Azouz louait un registre à 10% du bénéficie, et il payait la taxe des douanes vers les 6 millions de dinars. « La tchipa court toujours et les registres sont toujours mis en location. » Le propriétaire du registre empoche les dividendes. Depuis 1991, Azouz importait d'Egypte par voie terrestre. Cela s'est bien déroulé pendant deux à trois années. « Le semi-remorque me coûte 7 à 8 millions de dinars, le bénéfice net d'impôt est de 2 à 3 millions de dinars », ajoute-t-il. Faisons le compte de celui qui importe cinq ou huit conteneurs, par exemple, en prenant en considération la valeur du produit importé. Car il y en a qui font même plus. Beaucoup de faux importateurs de Bir El Ater ou d'ailleurs ont escroqué des fournisseurs égyptiens, et depuis, ces derniers se méfient des Algériens. La tchipa a esquinté Azouz, si bien qu'un jour il a laissé ses deux conteneurs au port d'Alger. Il s'agissait de sandales de fabrication chinoise de marque Kito. Il s'en est débarrassé parce que la taxe pour la paire avait été fixée à 700 DA, alors que la paire devait être vendue à- 100 DA. Il fera la remarque suivante : « Des fournisseurs étrangers sont venus à Aïn Fakroun et ont été curieux et extrêmement choqués de constater l'état lamentable du village et les conditions de travail des importateurs : pas de logement à la mesure du trafic d'importation, pas de hangar adéquat, etc. » Un autre ancien importateur informel a fait banqueroute lors de l'élection présidentielle de 1995, ainsi que plusieurs d'autres, l'annulation des souks ayant été la cause. Pour lui, on ramène en Algérie la mauvaise qualité, certes, mais la chose est importée, elle existe. Il y a quelque temps, on en rêvait. Pour les couvertures, par exemple, le marché est actuellement inondé à 1200 DA la pièce. Il n'y a pas longtemps, elle n'était pas cédée à moins de 4000 DA. Comment procède Azouz pour importer d'une façon informelle ? D'abord, il contacte le fournisseur à l'étranger, soit à distance, par téléphone ou par d'autres moyens, ou en allant carrément le rencontrer sur place. Donc, le fournisseur lui envoie ou lui donne une facture proforma. Avec ce papier, le transitaire constitue un dossier d'importation et le transmet à la banque dans le but d'un crédit documentaire ou d'une remise documentaire, c'est selon l'appréciation du banquier, qui se base sur le dossier. Evidemment, étant informel, notre importateur a donc loué le registre du commerce d'une autre personne. Par la suite, il attend son ou ses conteneurs et doit par la suite s'acquitter de la taxe douanière. Souvent, sinon la plupart du temps, le fournisseur veut être payé comptant. Il doit se déplacer, par exemple, en Thaïlande et payer le produit cash. Ne nous demandez pas comment il peut passer tout cet argent. Après cela, avec le dossier du financement extérieur Finex, avec facture proforma et toute la paperasse, le virement est fait au profit de la banque du fournisseur. Cet argent servira donc pour notre importateur, qui a déjà payé comptant, à une prochaine commande. Bien entendu, le propriétaire du registre du commerce gagnera un pactole dans cette affaire sans bouger de sa place.