Mon fils Amokrane Challal, aujourd'hui 21 juillet 2019, c'est ton anniversaire. Le généralissime président, présidant par la force, a décidé que tu le passes dans sa prison d'El Harrach». C'est le contenu d'une lettre émouvante adressée, dimanche dernier, par le père d'un des détenus du mouvement populaire à son fils maintenu en détention pour avoir brandi le drapeau amazigh, symbole de l'identité de l'Algérie et de l'Afrique du Nord. Il s'agit d'Arezki Challal. Fier de son enfant, il n'implore pas, comme l'auraient légitimement fait d'ailleurs d'autres parents qui ne supportent pas qu'un des leurs soit victime d'injustice, ceux qui ont jeté son fils en prison sans commettre aucun délit de le libérer. Au contraire, il lui souhaite un joyeux anniversaire et rend aussi hommage à ses compagnons qui ont subi le même sort que lui, parce qu'ils rêvaient d'un Etat de droit. «Joyeux anniversaire et gloire à toi et à tes compagnons, prisonniers d'opinion, certes compagnons d'infortune, mais surtout d'honneur. Oui, vous représentez l'honneur de Tamazgha, de l'Egypte aux Canaries, de la Méditerranée au Burkina Faso. Et Tamazgha ne vous oublie pas», ajoute-t-il dans ce texte posté sur sa page Facebook. Comme ce père, les familles, les proches, les militants des droits de l'homme et l'opposition continuent, depuis des semaines, de dénoncer l'arbitraire dont sont victimes des dizaines de détenus d'opinion et de détenus politiques. Un grand scandale ! Alors que le pouvoir réel prétend «accompagner le hirak jusqu'à la satisfaction de ses revendications légitimes», ce sont plutôt des innocents qui sont conduits vers les tribunaux, avant de les mettre en prison pour de fallacieux chefs d'accusation. Rien qu'à Alger, selon la députée du RCD et avocate, Me Fetta Sadat, 34 jeunes sont maintenus en prison après leur arrestation par des policiers qui ont trouvé sur eux un emblème amazigh. Ces interpellations ont été effectuées au lendemain de la décision du chef d'état-major de l'ANP, Ahmed Gaïd Salah, d'interdire le port de cet emblème dans les marches. «Rien qu'à Alger, nous avons enregistré 34 détenus, sans compter les personnes qui sont sous contrôle judiciaire ou condamnées», explique notre interlocutrice. «Accusations infondées» Pour la majorité des cas, précise-t-elle, les affaires sont toujours en instruction et les appels introduits contre les ordonnances du juge d'instruction ont été rejetés par les cour. «Déjà, le procureur qui les a entendus au début a requis les mandats de dépôt. Le juge d'instruction, de son côté, a confirmé ce réquisitoire», rappelle-t-elle. Et jusqu'à présent, aucun procès de ces détenus n'est programmé. «Parmi les détenus, il y a même un jeune de moins de 19 ans. Il y avait aussi un autre qui avait été placé en détention pour avoir brandi une pancarte. Les procès auraient pu avoir lieu immédiatement. Mais, il semble qu'on veut, à travers cette détention, frapper les esprits. Et on a instrumentalisé la justice à cet effet», dénonce encore Fetta Sadat. De l'avis des juristes, aucun texte de loi ne prévoit l'arrestation et l'emprisonnement d'une personne pour le port d'un emblème autre que le drapeau national. Il s'agit donc, expliquent l'ensemble des acteurs politiques, d'une nouvelle manœuvre du pouvoir pour tenter de mettre un terme au mouvement populaire. Leur libération : Une condition sine qua non Outre la question du drapeau amazigh, les détentions ont concerné aussi des hommes et des femmes politiques, dont le moudjahid et un des fondateurs du FFS, Lakhdar Bouregaâ, et la secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), Louisa Hanoune. Un autre arbitraire. Aujourd'hui, leur libération est au centre des revendications du mouvement populaire. La classe politique aussi conditionne l'enclenchement du processus de règlement de la crise actuelle par la remise en liberté de tous ces détenus et la levée de toutes les mesures répressives visant le hirak pacifique. Le pouvoir finira-t-il par revenir à la raison ?