Des dizaines de citoyens ont été, une nouvelle fois, violemment interpellés et arrêtés par la police, à l'occasion du 20e vendredi des manifestations pacifiques contre le système, coïncidant avec le 57e anniversaire de l'Indépendance de l'Algérie. Si la plupart des manifestants arrêtés ont été relâchés après plusieurs heures passées dans les différents commissariats de la capitale, histoire de les tenir loin de la manifestation, d'autres, en revanche, étaient, à l'heure nous mettons sous presse, encore "portés disparus". Ce énième acte répressif de la police trahit, en réalité, la volonté des tenants du pouvoir de chercher, par tous les moyens, à casser la révolution pacifique qui résiste depuis le 22 février. Les éléments de la police qui ont fait usage d'une violence rare, vendredi dernier, ont pris pour cible, particulièrement, les manifestants porteurs de l'emblème amazigh, cette fois encore. La chasse à la fameuse étoffe bleu-vert-jaune a commencé, il y a deux semaines, suite à l'ordre, pour le moins bizarre, donné par le chef d'état-major, Ahmed Gaïd Salah, d'interdire tout drapeau "autre que le drapeau national" lors des manifestations populaires. Depuis, c'est la traque systématique. Tout manifestant qui ose brandir l'emblème amazigh, notamment dans la capitale, est une cible des policiers. Parmi les personnes arrêtées vendredi dernier, il y avait des militants de partis politiques de l'opposition et même un avocat, en l'occurrence Me Soufiane Ouali. Les militants des droits de l'Homme ont dénoncé les "arrestations arbitraires" qui ont pour objectif de "casser la mobilisation citoyenne et, donc, la révolution pacifique du peuple". C'est l'avis, entre autres, des membres du Collectif de défense des détenus d'opinion, constitué par des avocats bénévoles, ainsi que le réseau de lutte contre la répression, créé par des militants dans la foulée de la présente révolution, qui dénoncent des "atteintes aux libertés, perpétrées par le pouvoir, à l'encontre du peuple algérien". Me Fetta Sadat, membre du Collectif, y voit une manière de "détourner le peuple de l'essentiel, à savoir sa réclamation du changement de système". D'où, estime-t-elle, "l'escalade de la répression policière ces dernières semaines". Même son de cloche chez Abdelouahab Fersaoui, président du Rassemblement Actions Jeunesse (RAJ), pour lequel "le pouvoir est animé par la seule volonté de sauver le système en place". Pour avoir bravé "l'interdit" de brandir l'emblème amazigh, au moins 36 citoyens, arrêtés lors des manifestations des trois derniers vendredis, sont placés sous mandat de dépôt. Pourtant, à ce sujet, la réponse de la rue est, à chaque manifestation, cinglante. L'interdiction de l'emblème amazigh décrétée par les tenants du pouvoir a même produit l'effet contraire. Vendredi dernier, des milliers de manifestants ont copieusement hué des policiers qui tentaient en vain de décrocher un drapeau amazigh placé haut sur un lampadaire. La vidéo, on ne peut plus parlante, a fait le buzz sur les réseaux sociaux. C'est dire que cette manœuvre du pouvoir a poussé les Algériens à se réapproprier, plus que jamais, cet emblème représentant la profondeur historique et identitaire de toute l'Afrique du Nord. Mieux, elle a aidé à cimenter davantage l'unité du peuple dans sa révolution pacifique. Farid Abdeladim