Dans le cadre de la troisième édition du FeLiv 2010, une communication portant sur l'Afrique subsaharienne vue par les écrivains africains a été animée, jeudi dernier, par l'universitaire congolais Julien Kilanga Musindé. Dans une brillante intervention, le conférencier a essayé de faire le point sur la situation des écrivains africains dans leurs rapports avec l'Afrique. La littérature africaine n'échappe pas aux géopolitiques de la pensée. « Après avoir été victime d'une géohistoire portée par le paradigme de l'Occident, paradigme de disjonction et de réduction, elle refait son entrée dans la géopolitique de la pensée et dans la culture universelle », selon l'universitaire. Après avoir fécondé des mouvements d'émancipation des pays colonisés et accompagné l'organisation politique continentale, les écrivains africains nés dans le moule de l'Occident se retrouvent aujourd'hui face à l'image controversée de l'Afrique. « La littérature africaine, explique-t-il, est celle qui, dans son ensemble — engagée culturellement et politiquement — suggère toujours des valeurs culturelles de façon voilée dans un discours oblique en raison de la nature-même de la littérature qui n'est qu'un art. Elle est l'expression de l'angoisse existentielle de l'Africain moderne, partagé doublement en raison des circonstances historiques et du progrès entre la culture traditionnelle ébranlée et la culture moderne diffusée par les techniques industrielles ». Les écrivains de la négritude se voulaient témoins de leur peuple, témoins de leur temps. Pendant trois générations, ils ont exprimé un passé tragique, un présent douloureux, mais un espoir infini dans un avenir qu'ils voulaient radieux. Léopold Sédar Senghor, Bernard Dadié, Mongo Béti, Cheikh Hamidou Kane, mais aussi Seydou Badian Kouyaté et Sembene Ousmane des bouts des bois de dieu y ont laissé leurs empreintes. Les écrivains africains d'aujourd'hui sont les témoins de l'Afrique d'aujourd'hui. Ils ne sont que le produit de leur environnement. En guise de conclusion, l'universitaire a indiqué que face à tous ces problèmes, l'Afrique, grâce à ses écrivains, doit choisir de se réformer positivement, en mettant en œuvre les conditions de sa revitalisation. « Elle doit être un espace capable de maîtriser sa diversité et d'intégrer les traits de l'universalité en redéfinissant une nouvelle politique prospective, des relations étatiques perçues comme une amélioration constante de la qualité de vie des hommes dans un environnement physique, culturel et scientifique totalement épanouissant ». Afin de trouver des voies et moyens efficaces de résistance devant cette situation avilissante, l'écrivain préconise de trouver un point de rééquilibrage entre les différents pôles de culture et de civilisation pour, justement, construire un nouvel ordre mondial favorable à l'Afrique. L'Afrique, deviendrait, selon lui, un lieu de rencontres où peuvent dialoguer, se confronter, se compléter des cultures et des civilisations variées. « Sinon, nous risquons de voir se réaliser un cauchemar où l'ancien se meurt, le nouveau ne parvient pas à voir le jour et dans l'interrègne surgissent les monstres » expliquera-t-il.