L'exposition Olivier Debré au Mama tient ses promesses. Toute une vie de peinture qui traverse l'essentiel du XXe siècle, celui des innovations artistiques majeures. Prenez-vous par la main et allez découvrir le travail d'un homme marqué par de hautes exigences de beauté, de sincérité et de générosité picturale. Il est toujours resté fidèle à sa démarche d'expression des émotions, nécessairement abstraites, que lui procuraient les paysages. On peut se laisser dire que ses semblables l'indifféraient ou l'exaspéraient et que seul le spectacle de la nature pouvait le toucher. Rien n'est moins vrai. En contemplant, depuis l'entrée, la belle et pertinente scénographie de l'exposition, chaque niveau du Mama regroupant les grandes étapes de son œuvre, on perçoit les influences de l'histoire. Les œuvres du 1er niveau sont plutôt petites, dominées par le noir, encre de Chine et fusains, et des formes violentes. Celles du 2e niveau sont plus grandes avec l'irruption de la couleur et une impression d'apaisement. Enfin, celles du 3e niveau, très grandes, offrent de larges aplats colorés et des élans sinusoïdaux ou rectilignes qui leur donnent un mélange étonnant de sérénité et de dynamisme. On ne peut s'empêcher de relier cette évolution à celle du monde, du moins occidental : de la Guerre mondiale (avec l'influence visible de son ami Picasso dans ses côtés Guernica) à la reconstruction et la croissance, avant de s'engager dans les grands changements mondiaux ouvrant de nouveaux espaces et modalités d'échange. L'interprétation vaut ce qu'elle vaut mais s'appuie sur le fait qu'aucun artiste, même se voulant concentré sur une approche aussi écologique que celle de Debré, ne peut se prémunir de l'influence du monde. Si l'artiste était encore vivant, serait-il revenu à ses noirs avec la crise économique, les guerres d'Orient, la marée du golfe du Mexique et autres misères du monde actuel ? Nul ne le saura jamais. L'art est lié à ses instants. A ses périodes aussi, avec cette saison (laquelle au fait, vu les caprices de la météo ?) des arts plastiques à Alger. Les peintres, après avoir sans doute hiverné dans leurs ateliers, sortent leurs œuvres presque en même temps. Arslane au Palais de la culture, Tariq Mesli à la galerie Mohamed Racim, Bourdine au Village des artistes de Zéralda, un collectif bien connu à la galerie Dar El Kenz (Abdelmoumène, Belbahar, Bettina, Hennaoui, Houadef, Kouadria, Sellal, Valentina et Zoulid)... et d'autres encore que vous trouverez dans les agendas culturels. Profusion de couleurs, de formes, de techniques et de sujets. Joie de voir s'étaler tant d'expressions. Mais, également, questionnements sur un secteur de l'art qui, après avoir connu un certain regain, semble tomber dans la routine et l'indifférence. Alors, avant que le tsunami médiatique et social de la Coupe du monde ne vampirise tout ce qui n'est pas foot, allez visiter les musées et les galeries, rencontrer les artistes et discuter avec eux et, si votre bourse vous le permet, acheter une œuvre. Ce sont là quelques simples façons de se faire plaisir en contribuant à l'essor des arts et, peut-être même, à leur survie.