Les particuliers souhaitant devenir propriétaires se sont précipités vers les banques à l'annonce de la nouvelle loi sur le crédit immobilier et la construction, entrée en vigueur le 1er avril. Mais alors que l'offre est quasi inexistante, que les banques affichent clairement leur tiédeur et que les promoteurs doutent, rares sont les dossiers qui aboutissent. Une réalité qui cache mal le désengagement de l'Etat sur le dossier du logement. « A l'annonce du lancement du crédit immobilier à 1%, je me suis précipitée à la Caisse nationale d'épargne et de prévoyance-Banque, raconte Djamila, 37 ans, enseignante. Je rêve de devenir enfin propriétaire, j'en ai marre des locations exorbitantes ! » Après le crédit auto, place au crédit immobilier à taux bonifié à 1%. Ainsi, depuis l'entrée en vigueur, le 1er avril dernier, des nouvelles mesures contenues dans la loi de finances 2010, quelque 25 000 Algériens se seraient rués vers les agences bancaires. Mais les modalités d'accès « ne sont pas encore tout à fait claires », relève Madjid, 38 ans, père de deux enfants, agent de la poste. « Pour la plupart, c'est vrai, les banques ne sont pas en mesure de répondre à la demande car l'opération n'en est qu'à ses débuts », confie un chef d'une agence CNEP à Alger. Officiellement, les banques publiques parlent du maintien des mêmes conditions d'octroi de crédits immobiliers avant la promulgation de cette loi. Du côté des banques privées, la réalité est un peu différente. Djawed, 35 ans, marié et fonctionnaire, s'est rendu dans une agence bancaire à El Harrach afin de demander un crédit immobilier. « Je suis choqué par tant de paperasse et des conditions pour le moins exagérées ! », confie-t-il la mine crispée. La logique de cette loi ? Inciter les promoteurs immobiliers à se lancer dans la réalisation de logements promotionnels aidés (LPA) en leur accordant plusieurs avantages financiers. Les pouvoirs publics ont ainsi annoncé des abattements sur le prix des assiettes foncières destinées à la construction – de 80% au Nord, de 90% dans les Hauts Plateaux et de 95% dans le Sud sur le prix du foncier mis à la disposition des professionnels. Et rendre ainsi la propriété plus accessible à tous, et mettre fin, selon les initiateurs de la loi, « à la flambée des prix sur le marché ». Mais les promoteurs, eux, préfèrent construire des résidences de standing, plus rémunératrices. Quid des petits salaires ? Autre contrainte pour les petits salaires : les transactions de vente de particulier à particulier ne sont pas concernées par la nouvelle loi sur le crédit immobilier. « Donc je peux dire adieu à un logement décent », ironise Djawed malgré sa déception. En clair, la loi ne touche que l'achat d'un logement neuf, ou sur plan, acquis auprès de l'Etat ou d'un promoteur privé. Merouane, 29 ans, compte se marier l'été prochain. Pour bénéficier d'un crédit immobilier, il doit soit « changer de travail pour un meilleur salaire » ou bien « accepter que sa future épouse aille travailler ». Un dilemme pour ce jeune « conservateur » comme tant d'autres jeunes que nous avons rencontrés lors du Salon de l'immobilier en mai. Car « pour être sûr de bénéficier d'un crédit immobilier, il faut être deux à travailler : les banques exigent des salaires parfois 5 fois le SNMG ! ». Saïd et Radia, une jeune couple, songent à un logement pour fuir la maison familiale. « En additionnant nos deux salaires (90 000 DA par mois), nous pourrions acquérir un logement à Koléa. D'ailleurs, nous avons entamé les démarches auprès d'un promoteur (achat sur plan) et nous aurons le papier dans une semaine. La banque nous a donné son accord », nous annoncent-ils. Chez cet autre couple, à la sortie de la CNEP, rue Larbi Ben M'hidi, investir dans l'immobilier n'est plus à l'ordre du jour. « Je suis agent de sécurité, je gagne 15 000 DA par mois », lance Saïd en guise d'explication. Son épouse, coiffeuse, touche quant à elle 12 000 DA par mois. Total : 27 000 dinars. « Leur cas ne peut être pris en charge par les banques, du moins pour l'instant », révèle un agent de la banque. Comprendre : les petites bourses sont priées d'aller chercher ailleurs. « J'ai été presque chassé, la demoiselle qui m'a reçu a exclu toute éventualité de financement, à moins que je change de profil ! », s'énerve Mohamed, 32 ans, agent commercial. Ses revenus mensuels, primes comprises, ne dépassent pas les 30 000 DA. Trente ans d'attente La banque à laquelle il fait appel « ne peut prendre en charge ma demande », confie-t-il amèrement. Nos tentatives pour joindre les banques concernées n'ont pas abouti. « Il est prématuré de parler de cela », nous ont répondu certaines sans vouloir nous recevoir. Même si les autorités espèrent obliger les banques à accorder des crédits aux plus défavorisés, les salaires trop bas ne permettront pas de rembourser les mensualités, qui ne peuvent descendre en dessous de 8000 DA. Enfin, il sera encore pendant un moment difficile de trouver le logement de ses rêves, car si le crédit immobilier est lancé pour 200 000 logements dits promotionnels aidés, selon Lyes Ferroukhi, directeur d'études au ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme, lors d'une conférence-débat organisée par le quotidien El Moudjahid, « les projets immobiliers quant à eux restent au stade de l'étude ». Les futurs acquéreurs « peuvent donc attendre les prochaines trouvailles de la loi de finances de 2014 », conclut un cadre en attente d'un logement depuis plus de trente ans.