Echaâb mahoch habbes, yadouna gaâ lahbas !» (Le peuple ne s'arrêtera pas, emmenez-nous tous en prison !), est le slogan phare de ce 33e vendredi de marches populaires. Il faut dire qu'il tombe bien à-propos, la journée d'hier ayant été marquée par des arrestations parfois musclées des forces de l'ordre. Un important dispositif sécuritaire était déployé aux points névralgiques de la capitale dès la matinée de ce vendredi 4 octobre. Une attention particulière a été accordée à la place des Martyrs, où les militants de l'association Rassemblement Actions Jeunesse (Raj), rejoints par des citoyens, des associations et des parlementaires, ont voulu déposer une gerbe de fleurs en hommage aux victimes du 5 Octobre, à la veille de la commémoration de cette date charnière des luttes pour les libertés en Algérie. Il y eut plusieurs interpellations, dont celles des militants Hakim Addad, Mokrane Guettal et Amiri Salim, Hacene Ferhati, membre de l'association SOS Disparus, ainsi que deux députés du FFS, à savoir Djamel Bahloul, de Bouira, et Nacer Abdoune, de Béjaïa. A en croire des témoins, les deux députés se sont fortement opposés à l'intervention musclée de la police, en brandissant des arguments légaux. «Votre loi, je n'en ai rien à faire», aurait répondu l'un des policiers. Les personnes interpellées ont été relâchées quelques heures plus tard. Djamel Bahloul raconte à El Watan : «Nous étions avec un groupe de militants, place des Martyrs, afin de déposer une gerbe de fleurs à la mémoire des victimes du 5 Octobre, lorsque nous avons été interpellés violemment par des policiers, et ce, malgré le fait que nous ayons décliné notre qualité de parlementaires.» Il poursuit : «Arrivés au commissariat, le traitement était différent. Les officiers ont présenté des excuses quant à la manière dont nous avons été interpellés. Et nous avons insisté pour que toutes les personnes arrêtées avec nous soient relâchées.» Hakim Addad, membre du Collectif de soutien et vigilance au mouvement du 22 Février (CSDM), a été interpellé, en compagnie de deux autres citoyens, en se rendant à la place des Martyrs pour commémorer, comme il le fait chaque année, le 5 Octobre, mais avec une pensée toute particulière à Ahcene Kadi, membre du même collectif, emprisonné depuis dix jours. «C'est d'ailleurs lui qui a confectionné le logo du collectif», sourit Hakim Addad. Et de glisser : «Le fait est qu'aujourd'hui, c'est son anniversaire, et qu'il le passe en prison. Aussi, ai-je voulu déployer une banderole et quelques affiches exigeant la libération immédiate des détenu(e)s d'opinion et lui souhaiter un bon anniversaire. Celles-ci ont été saisies par les forces de l'ordre.» A préciser que Hakim Addad a été de nouveau interpellé en fin d'après-midi dans un café à Alger. La commémoration des événements du 5 Octobre a donc tourné court ce vendredi. Les participants ont été dispersés et divisés en plusieurs groupes. Les manifestants ont néanmoins poursuivi leur chemin aux cris de «Libérez les otages !» et de «Libérez les prisonniers, ils n'ont pas vendu la cocaïne !» (référence directe à quelques responsables politiques impliqués dans une affaire de drogue). Les forces de l'ordre se sont aussi déployées, assez tôt, près de la mosquée El Rahma, jouxtant la rue Didouche Mourad, d'où les habitués font d'ordinaire grossir la marche, dès la fin de la prière. Quelques manifestants ont été fouillés dès la fin de la matinée, selon des témoins. Cela n'a pas empêché les fidèles d'y prier, ni les manifestants de les attendre pour crier d'une même voix leur rejet des projets du système. Et puis, le siège du RCD a également été entouré d'un impressionnant cordon sécuritaire, allant du 85, rue Didouche Mourad jusqu'au n°33 de la même rue, jouxtant la rue Victor Hugo. C'est d'ailleurs là que le journaliste Bouzid Ichalalene, directeur du site électronique inter-lignes, a été interpellé, pendant qu'il filmait la manifestation dans le cadre de son travail. Il a été relâché quelques heures plus tard. Toujours rue Didouche, l'un des lieux emblématiques du hirak, les policiers se sont échinés, au début de la Silmya, à confiner les manifestants sur les trottoirs, les repoussant parfois avec hargne. Sans doute qu'avec cette méthode, les photos donneraient l'impression d'une mobilisation moins soutenue. Cela n'empêchera pas, une heure plus tard, une marée humaine de déferler sur la grande artère, brisant le cordon sécuritaire et offrant aux photographes quelques belles preuves d'une détermination sans faille.