Un attentat de plus a été commis dans la soirée de samedi. Mais c'est indéniablement un de trop pour un pays que son président a décrit comme n'étant ni l'Ukraine ni la Géorgie où la rue a eu raison des régimes en place, sans heurt ou si peu, et sans violence. Toute la classe politique et l'opinion libanaises partagent ce point de vue, alarmiste il est vrai, mais qui trouve son fondement dans un passé récent qu'en fin de compte, l'accord interlibanais Taef de 1990 n'est pas arrivé à surmonter totalement. Les armes se sont tues, mais restait à reconstituer la mosaïque libanaise, mais surtout un nouveau système avec de nouvelles relations aussi bien en son sein qu'avec le voisin syrien. Ainsi donc, un troisième attentat à l'explosif en huit jours, a semé la terreur samedi soir dans une zone industrielle chrétienne au nord-est de Beyrouth, faisant six blessés et renforçant les appels de l'opposition au démantèlement du système sécuritaire déjà objet de sévères critiques d'un rapport d'enquête de l'ONU. Perpétré à l'aide d'une voiture piégée, l'attentat a blessé deux ouvriers indiens et quatre libanais, pompiers ou membres de la défense civile, selon la police et le juge d'instruction en charge de ce dossier. L'Agence nationale d'information (ANI, officielle) avait fait état samedi soir de deux morts, des ressortissants indiens, et de six blessés libanais. L'attentat, le troisième à viser un quartier chrétien de l'agglomération de Beyrouth en une semaine, a eu lieu à la veille de la fête de Pâques, que les catholiques, et donc les maronites, principale communauté chrétienne du Liban, célèbrent dimanche. Cet attentat a renforcé les appels de l'opposition à décapiter le système sécuritaire mis en place avec sinon par la Syrie en limogeant les chefs des services de sécurité libanais, qu'ils qualifient de « pouvoir parallèle » à la solde de Damas. Le Liban est paralysé par une crise politique depuis l'assassinat, le 14 février dernier, de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri dans un attentat à Beyrouth. L'un des principaux chefs de l'opposition antisyrienne, Walid Joumblatt, a appelé les chefs des services de sécurité libanais à démissionner afin de permettre à une commission d'enquête internationale sur l'assassinat de Hariri de mener à bien son travail. Les autorités de Beyrouth ont finalement accepté samedi de coopérer avec l'Onu, dont le Conseil de sécurité travaille actuellement à la formation d'une telle commission. « Une commission d'enquête ne pourra pas travailler objectivement si les chefs des services de sécurité conservent leur poste. Qu'ils s'en aillent, l'épée de Damoclès est au-dessus de leur tête », a déclaré samedi M. Joumblatt. « Ils sont terrorisés de voir s'effondrer le régime policier en place. C'est pour cette raison qu'ils nous menacent. Ils disent : oui, nous nous effondrons, mais nous allons détruire le pays sur vos têtes », a-t-il dit. De leur côté, plusieurs médias libanais ont rapporté hier que le président libanais, Emile Lahoud, envisage de limoger les chefs des services de sécurité, cédant ainsi à une des exigences de l'opposition. Selon le quotidien Al Mostaqbal, qui appartient au clan Hariri, « le président (Emile Lahoud) a déjà préparé le terrain au limogeage des chefs des services en prônant les sanctions les plus lourdes » à l'encontre de tous ceux qui, aux termes des résultats de l'enquête, auront trempé, ne serait-ce que par « négligence ou par erreur ». Cette analyse est partagée par le quotidien Ad-Diyar et la chaîne privée NTV, proche de M. Lahoud. Un député de l'opposition, Ghassan Moukheiber, a soutenu cette thèse en ajoutant que « les derniers attentats ne sont que le combat d'arrière-garde des services qui sont en train de perdre le pouvoir parallèle qu'ils exerçaient ». Un autre parlementaire, Walid Iddo, a estimé que « la série noire des attentats est due à un conflit entre le président Lahoud et les chefs des services qui refusent de servir de boucs émissaires ». Autant d'appréciations, mais point d'accusation ou de piste précise, car les Libanais exigent la vérité, celle qui mène aux commanditaires de ces attentats et du climat de cette descente pour un pays qui ne croyait plus revivre le climat qui a pérécédé la guerre civile.