Le président palestinien finira probablement par rendre le tablier, et même les clés de la présidence palestinienne, après avoir fait état de son scepticisme et de sa profonde désillusion. Sans aller jusqu'à faire autant que son ancien premier ministre, Mahmoud Abbas vient tout simplement de déclarer que le concept d'une solution à deux Etats palestinien et israélien, vivant côte à côte, commence à s'éroder. Quelques mois avant de quitter son poste, rappelle-t-on, Ahmad Qorei avait déclaré, quant à lui, que les Palestiniens ne voulaient plus de cette solution rendue impossible par les Israéliens. Il est important, cette fois, que Mahmoud Abbas fasse lui aussi un état des lieux, et il l'a fait moins de quarante-huit heures après son entretien, mercredi, avec le président américain, et avant même de poursuivre ses rencontres avec les dirigeants américains. Plus qu'une pause, c'est une manière très diplomatique de dire son dépit devant l'absence de progrès, et de le signifier aux Américains, eux qui avaient pu convaincre Palestiniens et Israéliens d'engager des contacts indirects. Faut-il poursuivre dans cette voie, même si, à entendre le président palestinien, elle ne devrait déboucher sur rien, pour les Palestiniens bien entendu ? Hommes politiques, prospectivistes et chercheurs n'ont en vérité jamais écarté l'hypothèse d'une solution à un Etat, tout en refusant de l'envisager dans tous les cas de figure. L'actuel président israélien, qui n'a pas la réputation d'être un homme de paix, malgré un prix Nobel, est de ceux-là. Shimon Peres, qui en son temps avait bloqué l'application des accords d'Oslo conclus en 1993, a mis en garde contre ce qu'il appelle le déséquilibre démographique qui serait en faveur des Palestiniens d'ici deux décennies. Pas besoin de se lancer dans d'autres démonstrations rendues inutiles, mais le fait est là et la perspective est toute proche. C'est celle de la disparition d'Israël. Ce qui explique, d'ailleurs, la montée au créneau de sionistes déclarés, pour mettre en garde contre les conséquences du jusqu'au-boutisme des dirigeants israéliens, et ce n'est certainement pas par sympathie pour les Palestiniens qu'ils appellent à la création d'un Etat palestinien. Ariel Sharon, toujours dans le coma depuis cinq années, a appelé cela la séparation, avant de lancer la construction de ce que les Palestiniens appellent la barrière de l'apartheid, une frontière de fait. Mahmoud Abbas vient de lancer un message fort. Les Palestiniens veulent du concret. En d'autres termes, la fin de l'occupation israélienne et rien d'autre. Ce qui éviterait pour le moins une plus forte érosion du concept de la solution à deux Etats. Les négociations actuelles en dépendraient-elles ?