Le président de la Ligue algérienne des droits de l'homme (LADH), Me Boudjema Ghechir, a dressé un constat sans complaisance sur la situation de la justice algérienne. Me Ghechir dira d'emblée que la réforme de la justice doit passer obligatoirement par une refonte de l'Etat et la reconceptualisation de son rôle dans une société démocratique et plurielle. Dans son diagnostic sans faux-fuyants, établi à l'occasion de la conférence nationale sur la réforme de la justice, notre interlocuteur a estimé que « l'Algérie a vécu, pendant des années, sous un système institutionnel basé sur l'unicité du parti. La direction du pays fut, en ce sens, l'incarnation de l'unité de direction du parti et de l'Etat, la justice n'était qu'une fonction pour défendre les acquis de la révolution, et les juges, agents de l'Etat, étaient chargés de l'interprétation des lois ». Cet état de fait, aux yeux de Me Ghechir, a impliqué « la mise au point d'une méthodologie précise dans le choix des magistrats, leur formation et leur perfectionnement ainsi que leur formation idéologique ». Notre interlocuteur estime que les magistrats se considèrent toujours, malgré les changements, comme des agents de l'Etat et des exécutants de sa politique. « Les dirigeants n'ont pas l'intention et la volonté de consacrer une justice indépendante, et les magistrats ont accepté cette situation pour plusieurs raisons », a-t-il affirmé. Et d'ajouter : « Une vraie indépendance de la justice n'aura de sens que dans la mesure où le magistrat, dans l'exercice des ses fonctions, est libre de toute immixtion de la part de l'exécutif ou du législatif. » Néanmoins, notre interlocuteur reconnaît que, dans les sociétés où des changements radicaux se produisent (le cas de notre pays), des tensions naissent parfois entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif. « Les juges ont alors un rôle difficile à remplir. Ce rôle exige d'eux les plus hautes qualités judiciaires », a-t-il souligné. Pour ces raisons, la réforme de la justice doit, de l'avis de Me Ghechir, dépasser le stade de l'appareil judiciaire pour ne pas perdre de vue le contexte sociopolitique. Le nouvel appareil judiciaire doit, selon lui, répondre aux exigences de l'heure et consacrer définitivement la primauté du droit.