Leader des nouvelles technologies de l'information et de la communication en Algérie depuis bientôt vingt ans, c'est presque logiquement que Youcef Aggoun, 55 ans, a remporté le mois dernier le premier prix des PME utilisant les TIC au concours MED-IT 2010. Derrière le succès, il y a pourtant un combat. Celui d'un progressiste en lutte permanente contre les mentalités conformistes. Il manage, supervise, encadre… travaille sans relâche sur un projet qui lui tient à cœur : le site internet Elmouwatin.dz, un portail où le citoyen algérien trouve des informations utiles sur des questions relatives aux démarches administratives quotidiennes. Ce n'est pas un hasard si le docteur Youcef Aggoun se donne corps et âme dans ce projet de communication et d'information. Soucieux de rendre plus accessible l'information, éternelle problématique en Algérie, Youcef Aggoun, 55 ans, innove depuis bientôt vingt ans dans la communication, en particulier la communication institutionnelle. Pionnier, il crée en 1992 MediaMarketing, première entreprise de communication algérienne spécialisée dans le marketing des médias et leader en matière de veille informationnelle par l'utilisation des techniques et technologies nouvelles. « Ma carrière dans la communication n'est pas un rêve d'enfance. C'est le contexte de l'ouverture du champ médiatique et politique en 1990 et la nécessité d'initier l'administration algérienne, notamment les institutions, à la communication, qui m'ont amené à mettre à profit mes connaissances acquises en Algérie et en France », raconte le manager. Licencié en sciences de l'information à l'université d'Alger, Youcef Aggoun poursuit ses études à l'Institut français de presse, rattaché à l'université de Paris II. En 1991, il devient docteur en sciences de l'information et de la communication. Mécénat Nationaliste, très attaché à son pays, il y revient « dans une période sensible de son histoire », décrit-il. Si Youcef Aggoun parle de la décennie noire qui a marqué le pays, c'est parce qu'il a grandi dans un quartier « populaire et chaud » à la Montagne, dans la banlieue algéroise. « Rares sont ceux qui ont réussi dans leurs études à la Montagne. Mes compères universitaires du quartier et moi étions un modèle pour nos voisins. D'ailleurs, même les plus radicaux nous respectaient. Pourtant, j'étais journaliste à El Moudjahid de 1978 à 1991 », témoigne-t-il fièrement. Sa famille et ses origines sont une source d'apaisement dans laquelle il puise sa confiance et son amour pour sa patrie. Natif de Guenzet, village de la wilaya de Sétif, Youcef Aggoun est le benjamin d'une fratrie de neuf enfants dont six sont décédés des suites de la misère qui régnait en Kabylie pendant la période coloniale. « Lorsqu'on est issu d'une famille ni riche ni intellectuelle, la réussite dans les études et la carrière professionnelle ne sont pas chose facile, mais elle n'est pas impossible. D'ailleurs, mon père, membre des oulémas de la région kabyle, a toujours été fier de ma percée dans mes études », confesse-t-il avec un brin de grisaille dans ses yeux lorsqu'il évoque ses parents qui ne sont plus de ce monde. Pour se ressourcer, Youcef Aggoun échappe au brouhaha d'Alger en se réfugiant deux fois par an à Sétif où il ne se contente pas de prendre de l'air. Spécialiste dans l'événementiel, il chapeaute l'organisation des événements de commémorations cultuelles et historiques lorsqu'on lui fait appel, et n'hésite pas à faire du mécénat pour promouvoir sa ville natale. « Si le travail a un secret, c'est bien le travail lui-même », insiste ce manager inépuisable, dont l'un des trois fils suit le même parcours en faisant des études en sciences de l'information et de la communication à Paris. « Je n'ai jamais influencé mes enfants dans le choix de leur carrière, mais l'un d'eux n'a pas échappé à la communication. Je crois qu'il veut me surpasser, selon l'adage, l'élève veut dépasser son maître », ironise Youcef Aggoun. 1er journal online Se lancer des défis est une seconde nature chez le manager. Instigateur dans tout ce qu'il entreprend, comme pour ouvrir la voie à de nouveaux concepts de communication et d'information dans le pays. Face à une administration algérienne « craignant tout ce qui est nouveau, tout ce qui a trait à la communication et l'information du grand public, inculquer aux responsables l'importance de la communication dans une administration n'est pas une sinécure ! », déplore-t-il. En dépit des lourdeurs administratives et socioculturelles, Youcef Aggoun, à travers MediaMarketing, a introduit plusieurs innovations par l'utilisation des TIC en Algérie dont la conception et la diffusion d'infographies électorales par ordinateur pour le compte de la Télévision algérienne en 1995. Deux années plus tard, il se lance dans la conception et le suivi de réalisation de la Médiathèque centrale d'Alger. Il a su également réaliser la conception, la coordination et le suivi de réalisation du premier journal on-line sur Internet, Legisnet 97, à l'occasion des élections législatives et locales de 1997. « J'estime que j'ai réalisé tous les challenges que je me suis fixés, mais avec beaucoup de retard dû aux contraintes administratives et au manque de moyens, car il faut savoir que notre entreprise s'autofinance. Les banques refusent de financer les projets dans le secteur de la communication, les considérant comme infructueux et secondaires. Alors que tout est relié à la communication, que ce soit l'image, le produit ou le service présentés par les entreprises et les institutions », regrette-t-il. Exigent et perfectionniste, Youcef Aggoun forme lui-même ses employés en collaboration avec d'autres formateurs et envisage même de créer une école de formation en communication afin de donner la chance aux jeunes ambitions étouffées dans l'œuf, dans un environnement où l'encadrement fait défaut. Le manager espère, à travers ce projet, leur permettre de créer des initiatives et d'imposer de nouvelles méthodes de travail avec des idées adaptées aux nouvelles mutations du monde. D'ailleurs, le manager assure avoir créé son entreprise, avant tout « pour être indépendant dans le jugement intellectuel ». 3 dates dans sa vie 1993 : Il obtient le Prix de la meilleure Thèse à l'université de Paris II, pour son travail sur le journal El Moudjahid depuis sa création, en 1965, jusqu'en 1990. 1998 : Il reçoit le Trophée du Manager pour son action pionnière en matière d'utilisation des techniques et technologies nouvelles de l'information et de la communication et le palmarès de ses études et actions au profit des institutions et entreprises. Mai 2010 : Il décroche le premier prix « TIC et PME », MED-IT 2010 des meilleures PME utilisant les technologies de l'information et de la communication (TIC). Mon rêve Voir l'Algérie en paix et que tout avance dans tous les secteurs. Ecrire un livre retraçant mon expérience dans la communication et l'information. Visiter le Grand Sud algérien et prendre le temps de me reposer Mon plat préféré Tous les plats traditionnels de la région de Kabylie, en particulier la galette « aghrom ». J'aime aussi les grenades. Je suis capable d'en manger sans m'arrêter ! Mes sujets d'actu préférés Je lis en premier lieu l'actualité nationale. Je suis de près la politique, puis l'économie. Quant au sport, c'est le domaine auquel je m'intéresse le moins. Mais ces derniers temps, nous avons été amenés à suivre l'actualité sportive quotidiennement, à l'occasion de la Coupe du monde, par patriotisme, pour soutenir notre équipe nationale. Ce qui me manque le plus La lecture et l'écriture. J'ai commencé ma carrière professionnelle dans la presse écrite, cela prouve que j'aime écrire. Actuellement, je n'écris plus, et même si je le fais c'est pour des mails formels et des documents administratifs. Quant à la lecture, je l'ai laissé de côté à défaut de temps. Mon personnage historique préféré A l'occasion de la commémoration du 50e anniversaire du Moudjahid, j'ai été impressionné par le personnage de Abane Ramdane. Tous les témoins l'ont évoqué avec beaucoup d'émotion. J'ai découvert en lui un dirigeant militaire d'une dimension intellectuelle importante.