La nouvelle loi sur le foncier agricole a fait l'objet d'un débat, hier, au siège de l'Assemblée populaire nationale (APN). Sujet sensible, cet avant-projet de loi avait suscité une tempête d'oppositions. Rachid Benaïssa, ministre de l'Agriculture et du Développement rural, a expliqué que ce texte définit de nouvelles conditions de concession des terres agricoles du domaine privé de l'Etat. Les terres, régies actuellement par la loi 87-19 du 18 décembre 1987, seront gérées par le modèle de la concession. Les exploitations agricoles collectives et individuelles (EAC et EAI) seront remplacées par des sociétés civiles d'exploitation agricole soumises à une fiscalité adaptée à l'activité agricole, selon ce nouveau texte. Le régime de la concession touchera 200 000 exploitants agricoles, selon Sid-Ahmed Ferroukhi, secrétaire général du ministère de l'Agriculture. Dans l'exposé des motifs, le ministre a rappelé que la vocation agricole de nombreuses exploitations a été dévoyée par leurs propriétaires et/ou d'autres intermédiaires. M. Benaïssa faisait allusion à la décennie noire, période durant laquelle des centaines de milliers d'hectares qui appartenaient à des EAC et des EAI ont été sacrifiés de manière déconcertante. Aujourd'hui, les dossiers de 11 900 bénéficiaires d'exploitations agricoles sont entre les mains de la justice. Plus de 2,5 millions d'hectares ont été attribués à plus de 210 000 producteurs organisés en 96 629 EAC et EAI. Pour le ministre, la politique foncière du gouvernement vise à empêcher la dégradation des terres agricoles, les détournements et l'affectation à des usages spéculatifs. Selon ces nouveaux textes, le droit de jouissance perpétuelle est remplacé désormais par le droit de concession de 40 ans. Le nouveau projet introduit, en substitution, le retrait par la voie administrative, un retrait exercé à travers l'Office national des terres agricoles qui vient d'être installé. Le texte concède, dans le cas du statut des infrastructures, notamment les bâtiments d'exploitation édifiés sur l'assiette de l'exploitation, un droit à indemnisation en cas de non-renouvellement de la concession. La location des bâtiments d'exploitation autorisée par la loi 87-19 est interdite dans le nouveau dispositif. La commission agricole de l'APN a proposé 5 amendements de forme sans pour autant toucher au fond de l'avant-projet de loi. Les enfants de chouhada et de moudjahidine et toute personnes dotée de compétences scientifiques sont prioritaires. Sont exclues toutefois du nouveau régime les personnes au passé peu glorieux durant la guerre de Libération. Ceci dit, de nombreux députés n'ont pas manqué d'exprimer leurs réticences sur l'ambiguïté de certaines articles, liés notamment à la nationalité du bénéficiaire, à la nature du partenariat, à la durée de la concession, etc. Mohamed Alioui, député FLN et également président de l'Union nationale des paysans algériens (UNPA), a révélé que de nombreux agriculteurs ont vendu leurs exploitations sous l'injonction d'un décret interministériel. Un décret qui, selon ses propos, a ouvert la porte à toutes sortes de dépassements et de détournements. L'administration avait soudoyé d'autres exploitants afin de leur soutirer leurs propriétés, dira-t-il encore. Un autre député du groupe des indépendants, préconisant de s'attaquer plutôt aux « barons du foncier », prévient contre le retour, dans le cas de l'adoption de cet avant-projet de loi, aux anciennes pratiques préjudiciables au foncier agricole.