Des oiseaux qui s'attaquent à des humains obligés de se confiner… Cela vous rappelle sans doute quelque chose au moment où une bébête microscopique est venue chambouler toute la planète et, en quelque sorte, innocenter les volatiles, créatures sans doute heureuses actuellement puis qu'éloignées en partie de notre espèce nuisible à plus d'un titre. C'était dans Les Oiseaux (1963), chef-d'œuvre étonnant d'Alfred Hitchcock qui investissait son art du suspense dans une dimension fantastique et inaugurait ainsi le cinéma-catastrophe. Le grand maître est décédé il y a quarante ans, le 29 avril 1980, à l'âge de 81 ans. Né à Londres – comme Charlie Chaplin, autre génie du septième art – il avait reçu une éducation très dure accompagnée d'un sentiment d'injustice d'où viendraient tous ses personnages d'innocents accusés à tort. Sa mère était si sévère avec lui qu'il s'en serait inspiré pour Psychose (1960). Il racontait aussi qu'un jour son père lui remit une lettre à déposer au commissariat du quartier où les policiers, après lecture, le placèrent brièvement en cellule en lui disant : voilà ce qui arrive aux mauvais gars ! Ses films, jamais anodins, toujours déroutants, souvent remarquables et truffés d'innovations, ont grandement contribué à l'élaboration du cinéma contemporain, tous genres confondus. Le premier emploi d'Hitchcock, graphiste dans la publicité, n'est pas sans lien avec son œuvre. Il est entré dans le cinéma en dessinant les intercalaires de films muets. Réalisateur, il a créé le story-board graphique, chacune des séquences à filmer étant d'abord minutieusement dessinée. D'où le sens du détail de ses plans, décors, éclairages, positionnements de la caméra et des acteurs, etc. D'où ces images parfaitement léchées qui lui faisaient préférer les reconstitutions en studios. Son premier film, Nombre trente (1922), fut un muet inachevé. Le dernier, La Nuit courte, film d'espionnage entamé en 1970, restera dix ans à l'état de projet jusqu'à sa mort. Entre les deux, on compte un peu plus de cinquante films, conçus en collaboration avec Alma Reville, son épouse, qui ont marqué les cinéphiles du monde entier et influencé les plus grands cinéastes. L'homme qui en savait trop (1934), Les 39 marches (1935) Rebecca (1940), L'Ombre d'un doute (1943), L'Inconnu du Nord-Expres» (1951), Fenêtre sur cour (1954), Le Faux coupable (1956), La mort aux trousses (1959), Pas de printemps pour Marnie (1964), pour ne citer que ceux-là, égrènent une carrière durant laquelle il aimai pratiquer le caméo. En effet, dans tous ses films, Hitchcock apparaît rapidement en tant que figurant, une façon amusante de les signer. Il n'existe aucun classement des meilleurs films de l'histoire (les fameux Tops 10, 50 ou 250) où il ne figure pas. Hitchcock a reçu d'innombrables distinctions, dont de nombreuses posthumes, alors qu'il a été nommé cinq fois à l'Oscar du Meilleur réalisateur, il ne l'a jamais reçu ! Plusieurs de ses films sont accessibles sur Internet et on gagne à les revoir, autant pour meubler le confinement que pour rendre hommage à ce pince-sans-rire, champion de l'humour britannique. S'il vivait encore, il aurait certainement reconnu qu'en matière de suspens, le coronavirus l'a bien dépassé. A. Ferhani
PS : Actuellement, plusieurs institutions ou cinéastes proposent des films algériens en accès libre sur Internet. L'occasion de découvrir ou redécouvrir des œuvres si peu ou pas du tout diffusées et que le confinement permet de dé-confiner.