Tandis qu'à l'Office national des aliments du bétail (ONAB) l'on se bouscule pour stocker le maximum de poulets en prévision du mois de Ramadhan, les marchés se caractérisent déjà par une pénurie qui a provoqué une forte poussée des prix. Le poulet affiche 350 à 400 DA le kilo sur les étals de certains marchés de la capitale. Les aviculteurs montent au créneau, estimant que la décision des pouvoirs publics de stocker le poulet est à l'origine de cette situation de dérèglement du marché des viandes blanches. En d'autres termes, c'est le gouvernement qui a provoqué la pénurie à l'origine de la flambée sans précédent des prix. Les aviculteurs, très fragilisés par les pertes du mois de juillet dues à la canicule, restent sceptiques quant à la réussite de cette nouvelle politique de régulation des marchés. La stratégie du gouvernement, représenté par le ministère de l'Agriculture, consiste à redynamiser les offices et leur coller la tâche de régulation du marché par le stockage des produits de large consommation. Selon les chiffres avancés récemment par le président du directoire de l'ONAB, Bouzid Boukersi, quelque 4200 tonnes de poulet congelé local sont stockées au niveau des structures gérées par son Office, en attendant leur distribution. L'objectif escompté étant de « peser sur le marché en s'impliquant dans la grande distribution », mais cette « nouvelle orientation vers l'aval » a d'ores et déjà montré ses limites en provoquant les premières pénuries, couplées à une forte hausse des prix du poulet sur le marché. « Cette histoire de stockage a créé la pénurie qui est à l'origine directe de la flambée des prix », explique Mezouane Mokrane, président de l'Association nationale de la filière avicole, contacté par nos soins. A première vue, les responsables au ministère de l'Agriculture, qui ont préféré recourir à la régulation du marché par le stockage de la production, se sont cogné la tête contre le mur. « La filière a été fragilisée déjà par des pertes considérables dues à la canicule du mois de juillet. Mais cette idée de stocker le reste de la production s'est avérée préjudiciable car, logiquement, on ne doit stocker que les surplus de production afin de ne pas perturber le marché en réduisant l'offre », précise le porte-voix des aviculteurs algériens. Selon lui, les pertes dues aux journées de canicule de juillet sont évaluées à près de 2 millions de poulets prêts à être vendus. A cela s'ajoute un taux de mortalité moyen de 10%. L'effet de la canicule s'est fait ressentir également par la commercialisation, actuellement, de « petits poulets d'environ 1,4 kg, caractérisés par une peau jaunâtre », détaille notre interlocuteur. « Mais l'essentiel de la production est stocké dans des chambres froides » afin de casser les prix durant le mois de Ramadhan. Le principe de l'offre et la demande étant brisé, le marché s'est embourbé, à quelques encablures du mois de Ramadhan, dans une spirale inflationniste de couleur grisâtre. « Il y a une rupture entre l'offre et la demande qui est à l'origine de la tension actuelle sur les marchés. Cette tension risque de perdurer malgré l'injection sur le marché des quantités stockées. Je reste sceptique quant à l'idée de ramener les prix à 250 DA le kilo », estime M. Mezouane. Pour ainsi dire, à défaut d'assumer pleinement leur mission de régulation, les pouvoirs publics recourent à nouveau à des solutions de replâtrage, souvent préjudiciables à l'économie et aux ménages. Alors que les responsables en charge de la régulation continuent de gérer l'économie depuis des bureaux luxueux et climatisés, les producteurs, eux, font face à de multiples défis. La filière avicole « est gangrenée par l'informel et la multiplication des intermédiaires », une situation née de la lourdeur des charges fiscales en dépit de la décision d'exonération de la TVA sur l'aliment qui « profite beaucoup plus aux importateurs qu'aux producteurs ». « Les pouvoirs publics sont informés de la situation dans laquelle évolue la filière avicole, mais nos doléances sont restées lettre morte », déclare M. Mezouane. Les aviculteurs estiment nécessaire une mise à niveau des exploitations agricoles par leur mise en conformité et la formation. Cependant, il semblerait que le ministre de l'Agriculture fasse la sourde oreille, préférant s'appuyer à nouveau sur la responsabilisation des offices pour réguler les marchés, une politique qui a lamentablement montré ses limites.