Les plus grandes puissances appréhendent une rentrée difficile et «remanient leur cap» et leurs équipes dirigeantes pour faire face à des défis imminents. Leurs élites s'astreignent à une halte pour adapter leur politique intérieure aux nouvelles exigences induites par des bouleversements économiques, sociaux, environnementaux et culturels. Le nouveau coronavirus n'aura été que le syndrome qui a fait déborder le vase des dérèglements multidimensionnels à l'échelle planétaire. Des nations s'en sont sorties avec des fortunes diverses des situations sécuritaires d'exception, mais elles sont profondément déstabilisées, désarmées face à l'état d'urgence sanitaire qui s'est imposé dans le monde depuis le début de l'année. Les signaux d'alerte sur la complexité des crises qui pointent à l'horizon immédiat ne sont que très faiblement répercutés dans notre pays. Anesthésié au lieu d'être réanimé, enfermé dans la symbolique au lieu d'afficher des signes de réactivité et de pragmatisme. Au sein de la société, l'euphorie passagère et la colère permanente ne laissent entrevoir que subrepticement quelques improbables voies de «salut». Chez les décideurs comme parmi l'opposition, l'heure de la réadaptation des moyens et des méthodes d'action a bien sonné. Les célébrations hautes en couleurs et en émotions des fêtes nationales au temps de l'opulence, des moyens débordants jusqu'au gaspillage et à la dilapidation, n'avaient pas amélioré le quotidien des citoyens, ni tiré le destin national vers le progrès. A présent que les «caisses sont vides» et la rente évaporée, il y a peu de chances que l'illusion opère et que les cérémonies meublent efficacement le dénuement national. Le mal le plus profond qui ait été enraciné dans le pays, par ce que l'on nomme le système, n'est pas l'intégrisme, mais l'attentisme ainsi que l'attachement sans fin et sans perspectives aux symboles, aux icônes et aux mythes, anciens et nouveaux. L'investissement dans la manifestation et le cérémonial, avec un souci d'autopromotion, a primé sur l'engagement dans une démarche résolue de construction en faveur de la collectivité. Si le «pouvoir» n'arrive pas à mettre en œuvre sa feuille de route que l'on soupçonne d'être vaporeuse ou velléitaire, il ne manquera pas d'essuyer l'effet boomerang de son échec et de préparer de sa propre initiative les conditions d'une alternance. Il lui est, jusqu'ici, loisible de «manœuvrer», de faire accélérer les procédures judiciaires pour libérer des militants politiques à la veille de la Fête de l'indépendance. D'alterner les détentes et les crispations pour gagner la bataille du temps et de l'usure, à l'heure des grandes urgences et des périls qui menacent la stabilité tant proclamée. La récrimination et la défiance ne suffiront pas pour dépasser l'ère de l'improvisation et de la gestion des événements au jour le jour. A ce moment de l'histoire, empreint d'une extrême détresse sanitaire et sociale, ce sont les forces politiques aspirant à une alternative pour le pays qui se retrouvent mis en demeure de se réinventer, de reconcevoir leurs méthodes de «luttes» et donner corps à la lancinante exigence de «transformer le rejet en projet». Ce saut politique qualitatif ne pourra être opéré que dans la mesure où la révolution culturelle, escomptée en février 2019, a bien eu lieu.