Un rassemblement a eu lieu dimanche après-midi à quelques mètres de la Cité de l'immigration, juste au niveau de la Porte Dorée à Paris pour dénoncer la colonisation française et demander à ce que des statues de colons et militaires français ayant sévi dans de nombreux pays d'Afrique, dont l'Algérie et l'Outre-mer, soient déboulonnées et rangées à jamais dans des musées. Paris / De notre bureau Yacine Farah
Pacificateurs, porteurs de civilisation, hommes de paix... la littérature française ne manque pas de mots pour qualifier les Français ayant joué un rôle dans la colonisation de nombreux pays d'Afrique et d'Outre-mer. Plusieurs statues pour rendre hommage à ces «visionnaires» et «hommes de paix», ont été érigées un peu partout en France depuis le XVIe siècle, en particulier à Paris. C'est le cas de la statue du général Bugeaud, bourreau des Algériens et militaire sanguinaire. Elle trône fièrement dans le 16e arrondissement, près des autres statues que le président Macron refuse pour le moment de déboulonner. Ainsi, pour mettre la pression sur le gouvernement français qui refuse toujours de regarder le passé colonial français en face, un sit-in a eu lieu, dimanche dernier, à l'appel du Front uni des immigrations et des quartiers populaires, signé par de nombreuses associations, organisations syndicales et politiques en vue de déboulonner certaines statues qui rappellent les heures sombres de la France coloniale. A cette occasion, la place de la Porte Dorée a été rebaptisée place de la Solitude. D'autres rues adjacentes à la cité de l'immigration ont également changé de noms en l'espace de quelques heures, comme la rue de la Nouvelle Calédonie devenue rue de la Lutte pour l'indépendance des peuples colonisés. Présente sur les lieux, Françoise Vergès, la sœur du célèbre avocat Jacques Vergès, a estimé que nous «sommes écrasés à Paris sous le poids des statues représentant des colonisateurs». Elle a réclamé de «décoloniser la capitale» en déboulonnant les statues et en les mettant dans des musées. «Il faut décoloniser Paris et se réapproprier les lieux, car nous nous sentons écrasés par un passé douloureux .» Pour le représentant des étudiants indépendantistes Kanaks, l'Etat français est confronté à son histoire et à sa responsabilité. Il a estimé que les étudiants sont en phase avec le processus de décolonisation, tout en émettant l'espoir que «le référendum d'autodétermination de la Nouvelle Calédonie, qui aura lieu le 4 octobre prochain, puisse enfin aboutir et que le peuple Kanak reprenne enfin son destin en main». Un autre jeune du même mouvement a enchaîné : «La cicatrice (de la colonisation ndlr) est toujours là. Elle ne guérit pas. On continuera toujours à se battre contre la colonisation qui a fait beaucoup de dégâts.» Il a ajouté : «Les colons français n'ont pas organisé un vote ou un référendum lorsqu'ils ont pris nos terres et nos richesses en 1853.» Le représentant des gitans a abondé dans le même sens. Il a dénoncé les clichés dont ils sont victimes et que «l'administration française entretient savamment et exacerbe». «On nous qualifie d'envahisseurs, de voleurs de poules, de gens de voyages, de gitans. On est chassés de partout. On est victimes des violences policières et de l'injustice...» D'autres intervenants se sont interrogés : pourquoi des hommes politiques français, ayant pourtant lutté contre la colonisation française, comme le député Paul Vigné d'Octon, n'ont pas eu droit à des statues dans les rues de France ? Et pourquoi aussi la France officielle a écrit un roman national sélectif, choisissant de mettre en lumière des artisans de la colonisation et de la mort au détriment de ceux qui ont lutté pour la liberté des peuples d'Afrique et d'Outre-mer ? «Tout cela doit changer, a estimé un participant. Nous ne pouvons pas continuer à être écrasés par tous ces symboles qui représentent la mort, la violence, l'injustice et l'immonde. La France doit déboulonner ses statues.» A la fin, une minute de silence a été observée par tous les participants à la mémoire de tous les colonisés tués par l'armée française, mais aussi à l'occasion du 5 juillet, fête de l'Indépendance algérienne. D'autres rassemblements auront lieu à partir de septembre prochain pour pousser l'Etat français à «faire une véritable toilette dans son histoire».