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Dr Fawzi Derrar. Virologue et directeur général de l'Institut Pasteur d'Algérie (IPA) : «Il me paraît peu probable d'avoir un vaccin avant la fin de l'année»
Publié dans El Watan le 13 - 08 - 2020

Le Dr Fawzi Derrar, directeur de l'Institut Pasteur d'Algérie, revient dans cet entretien sur l ‘évolution de l'épidémie qui enregistre une baisse des contaminations au cours de cette dernière semaine. Il met l'accent sur le respect strict des mesures de prévention et les gestes barrières pour maintenir cette tendance le plus longtemps possible pour une évolution favorable de l'épidémie, tout en plaidant pour une stratégie de tests de dépistage de la Covid-19. Pour le virologue, il est trop tôt pour parler de l'arrivée d'un vaccin efficace en si peu de temps.
– Le nombre de cas Covid-19 semble connaître une tendance baissière cette dernière semaine. Quelle lecture en faites-vous ?
Effectivement, nous notons ces derniers jours une baisse dans l'évolution du nombre de cas de la Covid-19. Les taux d'occupation des lits aux urgences et en réanimation ont sensiblement baissé.
Ce sont des indicateurs fiables pour analyser l'évolution d'une épidémie. Si on regarde le nombre de lits occupés dans les hôpitaux et dans les services de réanimation, le solde est positif comparé aux dernières semaines, ce qui est un bon signe mais qui appelle à une grande vigilance afin de préserver cet acquis. Maintenir la persistance dans une tendance baissière doit être notre objectif.
– Le spectre de la deuxième vague plane déjà en Europe. L'Algérie risque-t-elle une nouvelle flambée du nombre de cas ?
Je pense que nous ne sommes pas dans le même scénario que les premiers moments de l'épidémie en février-mars, où le risque était plus lié aux cas importés des zones contaminées.
La circulation virale étant locale, soit une contamination communautaire, la grande priorité actuellement est l'application stricte des mesures barrières (comme le port du masque obligatoire) et les mesures de prévention et de distanciation physique essentiellement dans les espaces clos, qui sont des zones à haut risque d'apparition de clusters.
Ces clusters seront constitués de personnes super-contaminatrices, qui ont des charges virales élevées dans les voies respiratoires supérieures et qui, de ce fait, vont transmettre plus facilement l'infection dans leur environnement.
C'est cette dynamique d'évolution qui fait peur, et peut conduire à une situation épidémique difficile à contrôler si ces clusters apparaissent en grand nombre dans différents endroits.
C'est pour cela que, durant cette phase d'allégement du confinement, les mesures barrières seront le seul garant d'une évolution favorable de la situation, par la suite conjuguées à une stratégie de tests de dépistage.
– Près de six candidats vaccins sont en phase 3 des essais cliniques. Pensez-vous qu'un vaccin efficace sera mis au point d'ici l'automne prochain ?
Au regard des procédures rigoureuses des essais cliniques exigées pour le développement d'un vaccin, ajoutées au peu de connaissances actuelles sur les vaccins testés jusque-là (peu ou pas de publications scientifiques démontrant clairement les données), il me paraît peu probable d'avoir un vaccin avant la fin de l'année.
Il faut savoir aussi que la technologie de production par certains producteurs du vaccin, telle que celle de l'ARN messager, est innovante et nécessite une connaissance détaillée et précise des données.
Je rappelle aussi que, même dans une situation de présence d'un vaccin ayant passé le processus réglementaire, il faudra attendre son utilisation chez un plus grand nombre de personnes pour avoir une évaluation à plus large échelle.
– Le ministre de la Santé a déclaré que l'Algérie sera le premier pays en Afrique à acquérir le vaccin. Des commandes ont-elles déjà été faites par l'Institut Pasteur d'Algérie, et auprès de quel laboratoire ?
Il est trop tôt pour en parler. A la lumière des données citées plus haut, on est toujours en position d'attente, tout en discutant et partageant les données sur le vaccin anti-Covid avec les laboratoires producteurs.
Nous travaillons beaucoup afin d'être présents et être parmi les premiers bénéficiaires de vaccins sûrs pour le bien de la santé de notre population.
– La Russie a annoncé l'homologation d'un vaccin dans dix jours, qui sera commercialisé en septembre. L'Algérie est-elle en contact avec les laboratoires russes ?
Oui. Je vous ai expliqué plus haut que nous travaillons beaucoup pour être parmi les premiers à acquérir le vaccin qui sera le plus adapté, et nous avons même eu une discussion avec monsieur l'ambassadeur de Russie lors de l'audience accordée hier par monsieur le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, le professeur Abderrahmane Benbouzid, durant laquelle le vaccin a occupé une grande place en attendant de finaliser le processus de fabrication.
– Qui est éligible à la vaccination ?
C'est une question qui sera débattue par le comité scientifique, qui prendra en compte les données disponibles, telles que les modalités de vaccination proposées (une ou deux doses,) et les types d'immunité décrits.
Mais il est essentiellement admis que les professionnels de santé et les services de sécurité sont les premières franges concernées par cette vaccination, pour assurer dans le cadre de la politique de prévention la continuité des activités médicales en cette période d'épidémie et pour la pérennité du système de santé.
Comme il y a également les sujets à risque souffrant de pathologies chroniques et les personnes âgées de 65 ans et plus, cités parmi les catégories prioritaires.
– Des spécialistes affirment que la Covid-19 n'est pas immunisante. Le vaccin sera-t-il vraiment efficace comme moyen de prévention ?
C'est une question très importante qui s'inscrit en droite ligne avec les réponses aux questions précédentes. Plusieurs études montrent que l'immunité n'est pas durable, même si l'immunité cellulaire pourrait jouer un grand rôle dans la protection contre l'infection.
Cela veut dire, par exemple, que vous pouvez être immunisé contre l'infection, sans détection d'anticorps humoraux, comme observé dans certaines maladies infectieuses.
Un autre point important à garder à l'esprit est que la majorité des personnes contaminées par la Covid-19 sont asymptomatiques (plus de 50% dans des études) et donc l'étude de l'impact de la vaccination sur des personnes porteuses du virus est aussi un aspect important à prendre en considération.
Le vaccin est sans aucun doute un outil prometteur pour la santé des populations, laissons la science faire son travail et nous n'en serons que les bénéficiaires !


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