Karim Bibi Triki possède une expérience de 28 ans dans l'industrie des TIC locale et internationale, au cours desquels, il a occupé différentes fonctions et responsabilités, y compris dans l'engineering, les ventes et marketing, et la gestion. Propos recueillis par Kamel Benelkadi
-Quelles sont les différences entre la 5G et les technologies précédentes ? La 5G va offrir un débit et une couverture plus importants. Le monde ne se prépare pas à l'interconnexion des êtres humains mais à celle des objets : il va y avoir des milliards d'objets connectés (voitures intelligentes, villes intelligentes, frigidaires et micro-ondes intelligents). Tous ce nombre d'objets doit être supporté par un réseau très fiable : il faut une connexion avec un débit important, parce qu'il va y avoir derrière des applications. Pour les voitures intelligentes, il ne faut pas de coupures, sinon il va y avoir des incidents, il faut aussi que cela soit stable, la voiture envoie au système central les données des obstacles enregistrés aux alentours à travers les caméras et les capteurs pour lui envoyer les décisions et les mesures à prendre (freiner, prendre à droite, tourner à gauche…). Pour que ce projet réussisse, il faut que le réseau réponde d'une manière impeccable et instantanée sans coupures, parce qu'une perte de données aboutira à la perte de contrôle de la voiture. Autre domaine : les drones qui vont être exploités pour la livraison, on va avoir des millions de drones dans les airs qui vont chez les fournisseurs prendre les produits et les livrer aux consommateurs. -La 5G est aussi une arme fatale sur le plan géostratégique pour les grandes puissances. Partagez-vous cette analyse ? Il y a une course très rude dans le monde pour l'appropriation de cette technologie, essentiellement entre la Chine et les Etats-Unis. Auparavant, c'était les Américains qui contrôlaient tout, maintenant les Chinois sont en train de les bousculer : c'est la guerre commerciale, le choc des titans et l'inévitable confrontation, celui qui contrôle la 5G contrôle l'information, l'économie et par voie de conséquence la politique internationale, c'est pour cela qu'avec internet, les objets et les robots vont jouer le rôle d'infirmier, faire le ménage et assurer la livraison. -Pour l'Algérie, la 5G est-elle un projet lointain, virtuel ou une technologie qui risque de se développer aussi rapidement que les autres ? Pour que la 5G se développe en Algérie, il faut des conditions. La première consiste à libérer les fréquences, il y a une décision qui a été prise pour les préparer à la 5G. Les opérateurs ont demandé une bande plus importante pour la 3 et 4G. Deuxième chose : elle va s'appuyer sur le réseau internet, s'il est faible, à quoi cela sert d'augmenter le débit sur le réseau local puisque l'on aura un goulot d'étranglement à la sortie. Il faut, à mon sens, une vision globale. Autre chose, si on parle de 5G, on parle de nouveaux téléphones compatibles (smartphones) mais avec l'augmentation des taxes et la fermeture des usines CKD/SKD, les prix seront plus importants. Il faut une stratégie sur 2 ans au maximum, sinon on va accuser un retard. Nous sommes face à un challenge, soit on adopte cette révolution ou on sera à côté... Il faut commercer à réfléchir dès maintenant, il y a des pays qui ont déjà lancé la 5G. Il ne faut pas aussi couper le réseau, comme cela a été le cas pendant le bac. Ce sera en contradiction avec les orientations du gouvernement, qui affirme aller vers la numérisation, le commerce électronique et paiement par mobile. Si on coupe le réseau pendant le bac, qu'est- ce qu'on va faire avec les commerçants ? On les rembourse ? On arrête toute activité ? Il faut une vision et une stratégie construite et logique.