Les deux hyper-puissances devraient continuer de lutter pour la suprématie planétaire sur les années, voire décennies à venir. La 5G est très prometteuse. Techniquement, elle va être au moins 10 fois plus puissante que la 4G. La latence du réseau, c'est-à-dire le temps que met un appareil à se connecter et à recevoir une information, ne sera même plus perceptible. Télécharger un film en ultra haute définition ne prendra plus qu'une seconde. Jeux, séries, informations, tout ira plus vite et consommera moins de batterie. Mais la 5G est loin de se résumer uniquement à une nouvelle génération de réseau téléphonique. Elle implique en réalité un déploiement massif de nouveaux équipements, allant de l'antenne au smartphone du consommateur, de nouveaux gisements immenses en termes de rendements économiques potentiels. Elle promet de développer «l'internet des objets», donnant ainsi vie aux villes intelligentes, qui optimiseront leurs réseaux d'énergie et de transport, aux opérations chirurgicales à distance, aux voitures autonomes, agriculture connectée, systèmes urbains de «cybersurveillance» et à des industries de plus en plus robotisées. Au total, en 2035, cette technologie devra apporter 12,3 trillions de dollars à l'économie mondiale et générer 22 millions de nouveaux emplois. Un acteur est en avance et fait bouger ses pions sur l'échiquier mondial : le premier fournisseur de télécom au monde, le chinois Huawei. Cependant, les Etats-Unis sont décidé à lui barrer la route, Washington demande avec insistance à ses alliés de laisser tomber ce constructeur sous prétexte que «par l'intermédiaire de fonctionnalités cachées dans les équipements, la 5G pourrait capter toutes sortes de données et notamment celles très sensibles de l'armée». Or, les premiers à avoir installé des portes dérobées numériques sont les Etats-Unis et Edward Snowden a révélé leurs existences, installées par les services secrets américains dans les systèmes du fournisseur d'équipements américain Cisco, avec un seul objectif : avoir accès aux données les plus sensibles de l'Europe. L'Union européenne a décidé de prendre la voie médiane et a adressé un «oui, sous conditions» en exigeant de Huawei de présenter des garanties de non-ingérence via ses équipements. «Il est plus important que jamais d'assurer un niveau élevé de sécurité lors du déploiement des réseaux 5G dans l'UE, au vu des besoins croissants en infrastructures numériques de nos économies», a expliqué le commissaire au Marché intérieur, Thierry Breton. «L'intégrité des réseaux de télécommunication est la clef de voûte d'une architecture sécurisée dans tous les Etats membres», a insisté le ministre allemand de l'Intérieur, Horst Seehofer. «Il s'agit de limiter autant que possible tous les risques, techniques et non techniques», a-t-il averti. Une question stratégique et pas seulement commerciale Les groupes européens Nokia et Ericsson peuvent fournir à l'Union européenne tout ce dont elle a besoin pour développer les infrastructures de la 5G, si le groupe chinois Huawei devait être écarté, a assuré la Commission européenne. Trois groupes offrent des solutions complètes pour la 5G : le finlandais Nokia, le suédois Ericsson et le chinois Huawei. Le coréen Samsung et le chinois ZTE offrent des solutions pour une partie du réseau. Mais les opérateurs européens le répètent : «Huawei est incontournable», sans lui, «l'Europe pourrait prendre deux ans de retard dans l'installation de la 5G», selon le président de Vodafone, Nick Read. Un éditorial de l'agence officielle Chine Nouvelle, publié le 23 juillet, dénonce une «hystérie anti-Chine» du secrétaire d'Etat Mike Pompéo, qui «ne redonnera pas sa grandeur à l'Amérique». La guerre est ainsi surtout commerciale et la 5G pourra faire basculer marché et influence du côté de l'Empire du Milieu qui vise à détrôner la Silicon Valley, levier de la puissance étatsunienne. Il s'agit de rivalité sur le leadership mondial. Il est manifeste que la Chine devance l'Occident sur cette technologie, laquelle demeure vitale pour le maintien de la dominance occidentale dans le domaine des technologies de l'information et de la communication. La Chine ambitionne de devenir la première puissance industrielle et technologique à l'horizon 2025. «L'opposition entre les Etats-Unis et la Chine, présentée comme une bataille juridique et commerciale, masque en réalité un conflit pour le leadership politique et technologique pilotant la croissance économique», souligne le Groupe de recherche pour une stratégie économique alternative (Gresea). Les Américains ne cherchent pas tant à mettre fin à des pratiques déloyales qu'à freiner l'ascension d'un rival de plus en plus puissant. Compte tenu des éléments et applications illustrés plus haut, il est clair que la 5G sera essentielle à la compétitivité mondiale à l'ère de l'industrie 4,0. Voici quelques chiffres à titre indicatif : on estime que d'ici 2035, la chaîne de valeur de l'industrie 5G vaudra 2500 milliards de dollars. D'ici 2035, «l'effet multiplicateur» de la 5G produira 10 000 milliards de dollars de revenus et 420 milliards de dollars dans le PIB annuel des Etats-Unis seulement. D'une manière générale, et comme pour les révolutions industrielles précédentes, la 4e révolution industrielle représente une occasion, non seulement pour rattraper le retard, mais aussi pour réaliser un saut en avant, et ceux qui ont la possibilité pourront participer dans le changement des règles du jeu à nouveau ; et c'est justement l'enjeu des batailles actuelles. Cela s'applique à la 5G, mais également à l'intelligence artificielle et d'autres technologies phares sur lesquelles s'appuie l'industrie 4.0. Même si la véritable promesse de la 5G se produira probablement dans plusieurs années, il y a tellement d'opportunités pour cette technologie au cours des mois, années et décennies à venir. Alors que les consommateurs du grand public ont déjà montré leur enthousiasme pour la 5G, la plupart des experts conviennent que la véritable opportunité se trouvera dans les applications d'entreprise et B2B. La 5G ouvrira la voie aux véhicules autonomes, aux villes intelligentes, aux usines automatisées, à la télémédecine, pour ne citer que quelques segments et applications. Selon les résultats d'une étude d'Accenture, 79% des entreprises dans le monde pensent que la 5G aura un impact significatif sur leur organisation, et 57% d'entre elles pensent que ce sera révolutionnaire.