En décidant d'abandonner la culture de la tomate industrielle (97% des besoins nationaux), plusieurs agriculteurs des régions est du pays expriment ainsi leur désarroi face à une situation qui leur échappe. Cet abandon est à ajouter à la récente fermeture pour cause de faillite ou de difficultés financières de plusieurs conserveries. Abandon également de la transformation de la tomate par des conserveurs qui, découragés par l'absence de toute subvention ou aide de l'Etat, envisagent de se transformer en simples conditionneurs de triple concentré de tomate importé principalement de Chine et des Emirats arabes unis. Avec les deux réunions provoquées cette fin de mois par les services agricoles de Annaba et par le wali à El Tarf, le débat est relancé. De part et d'autre, les difficultés rencontrées par l'ensemble des filières agricoles ont été abordées. L'on a même fait passer le rejet des conserveurs de signer une convention régissant leur relation de travail avec les agriculteurs au second plan. « Le dernier sinistre enregistré sur nos terres nous a mis sur les genoux. Je peux même dire que c'est une débâcle. Nous avons tout perdu. Il ne nous reste plus rien si ce n'est tendre nos mains pour mendier pour subvenir aux besoins de nos familles », indique Abdelatif, un agriculteur dont les terres immergées depuis de longs mois n'ont pu être emblavées. L'évolution de la mauvaise conjoncture tendrait à justifier la morosité qui caractérise le milieu agricole. L'analyse des facteurs et des conséquences de cette situation a conduit plusieurs agronomes à souligner l'urgence de solutions ponctuelles. « Elles sont nécessaires pour sauvegarder l'avenir et pour servir de base à une approche globale fondée sur la mise à plat des vrais problèmes et des discussions sur le fond », a affirmé un d'entre eux en poste dans la wilaya d'El Tarf. Dossier du foncier, difficultés bancaires, bureaucratie, utilisation anarchique de la jachère, sous-utilisation des engrais, importation d'intrants de mauvaise qualité, gestion des offices et coopératives agricoles et subventions figurent dans le lot des facteurs de blocage soulevés. Plusieurs années après la mise en route du PNDRA, les agriculteurs peinent à perpétuer leurs conditions de vie et de production. D'autres ne disposent toujours pas de production vivrière et ont un revenu insuffisant et très aléatoire. Ces dernières années, la pénurie des moyens, l'absence des investissements et l'inégalité dans la répartition des services se sont accentuées avec pour conséquence l'exode rural et le chômage. « Cette situation a conduit à la pauvreté et à la marginalisation d'une importante partie de la population agricole. Manque de compétitivité Elle est également à l'origine de la constitution de zones suburbaines peuplées de marginaux sous employés. Au même moment, des industries agroalimentaires disparaissent et d'autres ferment pour cause de faillite, à l'image des conserveries », a estimé M. Belhadef Mostefa, agronome au chômage converti en aviculteur. Loin d'être d'une quelconque compétitivité, l'agriculture nationale est restée cloîtrée dans l'archaïsme et l'improvisation. Les calamités naturelles sont les arguments constamment invoqués pour justifier les échecs. Informés de l'application de la fiscalisation dans leur secteur, les agriculteurs ont estimé que cette mesure sera la goutte qui pourrait faire déborder le vase. Employant 25% de la population active pour une participation au PIB à hauteur de 12%, le secteur de l'agriculture aurait pu enregistrer entre 8 à 12 milliards de dollars en chiffre d'affaires si sa gestion était plus rationnelle. Ce qui est loin d'être le cas au regard de la production générée par l'exploitation des 60,39% (47,26% céréaliculture, 6,39% arboriculture, 3,24% maraîchère et culture industrielle, 3,19% fourrages et légumes secs) des 8,4 millions d'hectares de superficie agricole utile (SAU) du pays. Alors que partout à travers le monde, la jachère est réduite à sa plus simple expression, en Algérie, elle a atteint presque 40% de cette SAU. Un paragraphe de la lettre n°25 de janvier 2005 du président du directoire du groupe Asmidal donne un éclairage sur la faiblesse du rendement à l'hectare : « La faible utilisation des fertilisants et le grand taux de mise en jachère font que l'Algérie ne consomme que 11 kg à l'hectare, alors que la moyenne mondiale est de 100 kg/ha. » On est loin des 45 kg/ha utilisés par les Marocains qui, en 2004, ont engrangé 85 millions de quintaux sur 5 millions d'hectares. Du côté des agronomes, l'on estime que cette faiblesse dans l'utilisation des engrais dans notre pays devrait nous permettre de nous classer en tête de la liste des pays exportateurs de produits agricoles bio établie par l'Union européenne. Actuellement, précisent les mêmes sources, notre pays ne bénéficie ni des performances d'Asmidal en matière de production des engrais ni de l'exportation de ces produits bio. En clair, notre agriculture ne contribue pas au relèvement du produit intérieur brut, ne s'implique pas dans la croissance économique du pays, n'assure pas de recettes à l'exportation et ne produit pas de matière première, comme le tabac, ,le coton, le soja et la betterave. Quant à la tomate industrielle, son avenir dans notre pays est de plus en plus incertain. Rappelons que l'Algérie reste toujours dépendante des importations pour la satisfaction de ses besoins en céréales (blés dur et tendre). La production nationale en la matière couvre en moyenne 30% des besoins en consommation, estimés à 8 millions de tonnes/an, soit 350 kg par tête d'habitant/an.